Grandir - Sophie Fontanel
Rentrée littéraire 2010
S’il est un moment difficile dans la vie, c’est bien celui où l’on voit vieillir ses parents : leur faiblesse, leur vulnérabilité, leurs déficiences et jusqu’à leur dépendance préfigurent l’inéluctabilité de leur disparition. C’est ce moment que raconte Sophie Fontanel dans ce livre étrangement sous-titré « roman ». Une maman de quatre-vingt six ans, devenue très fragile, qui perd un peu la mémoire et tombe régulièrement. Avec tout ce que cela implique de complications : fractures, hôpitaux, aides ménagères, maisons de repos. Et tout ce que cela suppose de présence, d’attention, de vigilance pour sa fille, pourtant déjà bien prise par son métier : des coups de fil affolés, une préoccupation constante, des invitations décommandées, des vacances suspendues.
Mais n’allez pas croire que ce texte soit triste, angoissé ou plaintif. C’est d’amour dont il est ici question. Et c’est avec une certaine légèreté, et avec beaucoup de tendresse que Sophie Fontanel, à travers des anecdotes attendrissantes et rafraîchissantes, évoque ce lien qui l’unit à sa mère, fait de complicité, de connivence, d’amitié même et de confidences. Et elle découvre peu à peu que sa mère, dans son grand âge et sa grande sagesse, a encore beaucoup à lui apprendre, à lui transmettre, malgré son corps qui la lâche.
« Pour désirer, il faut avoir compris à quel point, avec nos corps, on est démuni. Et oser humblement ce qui fait défaut. Après, ça va tout seul. Comment ai-je pu ignorer si longtemps des vérités élémentaires ? »
Je ne pensais pas que ce texte me toucherait autant, moi qui n’ai pas eu l’occasion de voir mes parents devenir très âgés, mais il est bien difficile de résister au charme de cette vieille dame coquette, espiègle, pétillante, de ses souvenirs lumineux et de ses listes baroques. A travers un récit très intime et très personnel, Sophie Fontanel nous renvoie à des sentiments universels.
« L’arbre que tu plantes dans ton jardin. Pour toi ce ne va être qu’une galère de tuteurs. Mais un jour, pour d’autres, l’acacia s’élèvera dans le ciel, où tu seras déjà, et il fera de l’ombre à ceux de ton sang, et toi tu n’en feras plus à personne. Tu ne seras que lumière pour ceux qui se souviennent. Une soirée d’été, quelqu’un de ta descendance sera là sous cet arbre, à humer la douceur. Ce petit-fils, cet arrière-petit-cousin, cette arrière-petite-nièce, qui que ce soit, il ne pensera plus à ses déceptions. Au contraire, il se sentira accueilli dans une plénitude, sous l’arbre muet la nuit. Alors il se dira : « D’où me vient tout cet amour ? »
Une très belle surprise de la rentrée littéraire.
Robert Laffont, 2010. – 145 p.