La vérité sur l'affaire Harry Quebert - Joël Dicker
"Les livres sont devenus un produit interchangeable : les gens veulent un bouquin qui leur plaît, qui les détend, qui les divertit. Et si c'est pas toi qui leur donnes, ce sera ton voisin, et toi tu seras bon pour la poubelle."

Au printemps 2008, la petite ville d'Aurora, sur la côte Est des États-Unis, est agitée par un scandale : un meurtre, doublé d'une passion interdite entre un adulte et une très jeune fille. Tout accuse Harry Quebert, professeur d'université respecté et écrivain célèbre, dans le jardin duquel a été retrouvé le corps de Nola Kerrigan, disparue trente-trois ans plus tôt. Marcus Goldman, jeune écrivain en mal d'inspiration, va à la rescousse de son vieux maître, celui qui lui a tout appris et avec lequel il a tissé des liens d'amitié. Marcus entreprend une enquête pour découvrir ce qui a bien pu se passer ce fameux 30 août 1975. Il ne croit pas à la culpabilité de son ami et veut l'aider à prouver son innocence ; et son éditeur lui suggère que cette histoire pourrait faire un bon bouquin.
Le premier problème avec ce roman, c’est qu'il se veut une imitation de La Tache de Philip Roth (Aurora/Athena, Marcus Goldman/Nathan Zuckerman, le vieux professeur qui cache un secret honteux dans son passé, l'écrivain appelé à la rescousse pour le réhabiliter, etc), ce qui ne joue pas en sa faveur, car Joël Dicker est à Philip Roth à peu près ce que la limonade éventée est au champagne millésimé : il n'en a ni le style, ni l'humour, ni la puissance, ni la vision. Que reste-t-il ? Pas grand chose. Et ça commençait mal entre Dicker et moi.
Le second problème avec ce roman, c'est que le nœud de l'affaire réside dans une grande histoire d'amour, un amour interdit, passionnel et romantique, supposé avoir inspiré un immense chef d'oeuvre de la littérature américaine. Il y avait là une matière formidable, mais tout ce que Dicker a réussi à en tirer c'est une bluette d'une affligeante niaiserie, qui remet en cause la crédibilité de toute l'histoire, les extraits du roman d'Harry Quebert sont d'ailleurs d'une pauvreté abyssale. On en rougit pour lui.
Le troisième problème avec ce roman, c'est la mythologie de pacotille qui le parcourt, au sujet du grand écrivain (celui qui occupe les plateaux de télévision et que l'on reconnait dans la rue : c'est ça, un grand écrivain ?) et du grand roman (celui qui se vend à des millions d'exemplaires : c'est ça, un grand roman ?), obsession en forme de rengaine lancinante qui donne la migraine, et sans laquelle on serait peut-être plus indulgent envers ce pauvre Marcus qui n'en finit plus de nous expliquer qu'il écrit un chef d'œuvre. Car ce qui sous-tend tout le roman, c'est précisément l'écriture d'un roman, ponctué par les conseils du vieux maître à l'écrivain débutant. Et sur le thème du roman dans le roman ou du roman en cours d'écriture, Dicker est tout sauf subtil, à tel point que l'on a très envie de lui conseiller de commencer par écrire un bon roman, avant d'espérer en faire un grand.
Si l'on arrive à surmonter tout ça, et à ne pas se noyer dans l'accumulation de clichés, de répétitions et de caricatures en tous genres, on peut éventuellement trouver que l'enquête policière n'est pas trop mal ficelée avec son lot de fausses pistes et de retournements spectaculaires. Mais, en ce qui me concerne, je me suis copieusement ennuyée avec ce roman, qui représente le summum de la platitude. Je l'ai lu jusqu'au bout, par honnêteté intellectuelle, mais je confesse avoir sauté quelques pages, parce qu'il y a une limite au supportable.
C'est Galéa qui m'a donné envie.
Éditions de Fallois-L'Âge d'Homme, 2012. 581 p. Epub.