D'après une histoire vraie - Delphine de Vigan
Rentrée littéraire 2015
"Maintenant je peux l'admettre : l'écriture qui m'occupait depuis si longtemps, qui avait si profondément transformé mon existence et m'était si précieuse, me terrorisait."
Delphine est écrivain. Son dernier livre, très personnel, très autobiographique, a rencontré un succès inattendu. Elle vient donc de passer plusieurs mois à rencontrer des lecteurs, répondre aux questions des journalistes, signer des dédicaces. Elle est épuisée, et commence à s'agacer de cette question qui revient sans cesse : "qu'allez-vous écrire maintenant?" C'est le moment où elle rencontre L. dans une soirée. L. est une belle femme, sophistiquée et élégante, un peu à l'inverse de Delphine. Elles vont pourtant très vite devenir inséparables. Et L. s'intéresse beaucoup à ce que Delphine projette d'écrire, et c'est un point qui sépare les deux amies : Delphine veut revenir à la fiction, elle affirme en avoir besoin, L. veut la convaincre, au contraire, de creuser encore l'intime. Par ailleurs, Delphine commence à recevoir des lettres anonymes qui la déstabilisent complètement, et lui reprochent d'avoir fait beaucoup de mal autour d'elle avec son précédent livre. Elle commence à perdre un peu les pédales, n'arrive plus écrire, fait donc appel de plus en plus à son amie L. qui, elle aussi, gagne sa vie en écrivant (des biographies pour des acteurs, des sportifs, des people qui ne sont pas capables de le faire eux-mêmes). L. devient de plus en plus indispensable, de plus en plus intrusive.
"Tu sais, la fiction, l'autofiction, l'autobiographie, pour moi, ce n'est jamais un parti pris, une revendication, ni même une intention. C'est éventuellement un résultat. En fait, je crois que je ne perçois pas les frontières de manière aussi claire. Mes livres de fiction sont tout aussi personnels, intimes, que les autres. On a parfois besoin de travestissement pour explorer la matière. L'important, c'est l'authenticité du geste, je veux dire sa nécessité, son absence de calcul."
Encore un roman qui explore les limites du réel et de la fiction, un thème qui occupe beaucoup cette rentrée littéraire, du moins de ce que j'en ai lu jusqu'ici (mais le sujet m'intéresse particulièrement). Et donc, Delphine de Vigan nous explique que dans la littérature rien n'est totalement réel et rien n'est totalement fictionnel. Sauf que, après l'excellent Intérieur nuit de Pessl et le non moins excellent L'imposteur de Cercas, son bouquin m'a paru bien fade, bien pâle, et bien terne. C'est lent, c'est long et c'est écrit d'une plume dénuée de toute personnalité.
"Le lecteur savait à quoi s'en tenir. Le lecteur était toujours partant pour céder à l'illusion et tenir la fiction pour la réalité. Le lecteur était capable de ça : y croire tout en sachant que cela n'existait pas."
Et bien, justement, moi je n'y ai pas cru à cette histoire. A aucun moment, je n'ai éprouvé la moindre empathie pour le personnage de Delphine, cet écrivain qui n'arrive (physiquement) plus à écrire, et j'ai été agacée par cette posture de l'auteur qui répète "je ne parle plus de moi" sans cesser d'en parler : son amoureux, ses enfants, ses amis, ses souvenirs d'enfance. De même que je n'ai jamais cru à ce personnage de L. (pourquoi cette seule initiale ? J'ai ma petite idée sur la question, que je garde pour moi, parce que la dévoiler serait spoiler). Dès la page 150, j'ai commencé à voir où l'auteur voulait nous emmener d'autant qu'elle abuse de la prolepse et que l'on sait donc assez vite que tout cela va mal finir.
Le seul point sur lequel elle met réellement le doigt, et qui mériterait d'être creusé (mais qui ressortit davantage, je pense, à la sociologie qu'à la littérature), c'est l'avidité actuelle du public pour le réel, le vrai, le vécu (télé réalité, biopics et compagnie), alors que la réalité n'a jamais été aussi sombre (me semble-t-il…) Pour le reste, ce roman m'a fait l'effet d'un gros camion qui roule sur une route bien balisée sans jamais dépasser la limitation de vitesse.
Je suis assez minoritaire sur ce coup-là : Cuné a aimé, Delphine a aimé, Eva a aimé, Sandrine a aimé. Mais j'ai quand même réussi à trouver des avis qui rejoignent le mien : Blue Grey, Sandrine.
Lattès, 2015. 484 p.