Quartier général du bruit - Christophe Bataille

Publié le par Papillon

Voilà un livre qui fut pour moi une sorte d'OLNI : un objet littéraire non identifié. Ni roman, ni récit. Pas tout à fait de la poésie, mais pas vraiment de la prose non plus. N'ayant jamais lu Christophe Bataille auparavant, je ne sais pas si ce style elliptique, chatoyant, onirique, métaphorique est son style habituel. Mais j'ai beaucoup aimé. J'aime tous les écrivains qui violent la langue, pour lui faire un enfant qui ne ressemble à aucun autre. C'est le cas de Christophe Bataille.

De quoi s’agit-il dans ce roman qui n'en est pas un ? D’une évocation gourmande et surréaliste du milieu de l’édition des années 30, à travers le portrait iconoclaste de Bernard Grasset, patron de la maison du même nom, éditeur passionné et fou. Tellement fou, qu'il est interné à plusieurs reprises à Meudon où il subit des électrochocs. Pendant ce temps, son factotum et âme damnée, Kobald, fait tourner la boutique et mâche du papier.

Quand on sait que Christophe Bataille est lui-même éditeur chez Grasset et qu'il occupe ce fameux petit bureau qui fut autrefois la salle de bains de Grasset, on ne peut voir dans cette évocation du père fondateur, qu'un grand cri d'amour à la "maison" sise 61 rue des Saints-Pères, dans le désormais fameux 6e arrondissement de Paris, même si sa vision du métier est à la fois dantesque et ubuesque.

Trois années (entre 1931 et 1934), pendant lesquelles on croise du beau monde : Proust, Gide, Malraux, Hemingway, Gallimard le grand rival ; on attend la nomination du Goncourt et on boit du champagne.

J'ai lu quelque part que ce roman faisait 600 pages au départ ; il en reste 120 et quel dommage ! Je suis restée sur ma faim, alors je l’ai lu deux fois d’affilée, pour compenser.


Un extrait :
« Ça m’était venu par génétique, ou par contamination, je ne sais plus, mais c’était là, le désir, aux mains, à la gorge, aux épaules, fébrile, une vraie soif, engloutir le bois mort, pourri, voguant de Billancourt jusqu’à Antifer, le tissu des vieilles, la soie séchée, la nuit première rendue à l’eau, manger toujours, les tissus, le plâtré, les cartons gris, engloutir, moi-même acide et tel un ventre ingérer toute histoire, toute littérature, me dire, enfin, ça y est, ça y est, je mange les mots. »

Grasset, 2006. – 115 p.
 
L'avis plus mitigé d'Anne-Sophie.

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L
Ah je n'avais pas vu que tu avais aussi beaucoup aimé ce livre ! Tu en parles vraiment très bien, et si je ne l'avais pas déjà lu, je me serais jetée dessus !<br /> J'adore le style de Bataille, comme toi je l'ai relu deux fois, et quand je le feuillette encore, par petits morceaux, j'ai vraiment l'impression de lire, à certains passages, de petits poèmes en prose... <br /> Pris au hasard, cette page :<br /> "Je ne vis qu'elle, dans ce matin, Lalie penchée sur le rêve. D'abord ce fut un fil grenat comme d'un cou tranché, courant aux veines, gonflant le plâtre. Puis les toiles d'Afrique furent souillées. Le fer irrigua les lattes. Egorgea le peuple des livres. Bientôt le tissu vogua vers la chambre. Lalie se frotta la nuque puis ouvrit les yeux dans un fatras de sang : Tu pars ? demanda-t-elle.Oui, je pars." p. 106-107<br /> ....... j'adore...<br /> J'avais lu son premier livre "Annam", j'avais bien aimé, mais celui-là je l'adore...
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A
Merci de m\\\'avoir fait ce lien... A très bientôt
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P
Avec plaisir ! Même si nous ne sommes pas d'accord sur ce livre, je trouve intéressant d'avoir plusieurs points de vue :-)
A
Merci de m'avoir fait ce lien... A très bientôt
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C
Ca donne envie ça!!!
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P
Laisse-toi tenter, alors ! J'ai hâte de lire d'autres comentaires de ce livre.