Les enfants de Dynmouth – William Trevor
« Son cerveau ressemblait à une poubelle, débordant de toutes sortes d’ordures que sa bouche finissait par vomir. »
Dynmouth est une petite ville balnéaire d’Angleterre, avec ses églises, son parc, son pasteur et sa fête annuelle. Timothy Gedge est un adolescent de quinze ans négligé par sa famille et qui s’ennuie. C’est un gamin curieux et fouineur qui met son nez partout. Il aime suivre les gens, épier par les fenêtres ou regarder par-dessus les haies. Alors, bien sûr, il découvre la vie souterraine de la ville : liaisons adultères, désirs inavoués, petites lâchetés ou grands désespoirs. Il est à la fois affable et menteur, voleur et manipulateur, excentrique et volubile. Or il conçoit un grand projet : présenter un sketch comique au concours des « Nouveaux talents » de la kermesse. Il a besoin d’aide pour atteindre son objectif et se révèle prêt à tout pour l’obtenir : il va commencer à distiller tous les secrets qu’il a découverts (ou inventés ?) Avec une persévérance qui tourne à l’obsession, il harcèle les victimes qu’il s’est choisi et commence à créer autour de lui une atmosphère de malaise et d’angoisse.
Il y a quelque chose de tout à fait pymesque dans cette histoire : une petite ville avec ses secrets, ses rumeurs et ses ragots. Sauf que chez William Trevor on n’est pas du tout dans le registre de la satire et du comique. Peu à peu, il installe une ambiance délétère en nous montrant les dessous d’une ville bien tranquille, à travers le regard d’un gamin qui est d’autant plus inquiétant qu’il est froid comme un poisson mort. Aucun autre sentiment que la soif de réussite n’anime Timothy Gedge. Chantage, menaces, intimidation, il ose tout et avec le sourire, comme une véritable petite tête à claques qu’il est. Et le lecteur se demande avec angoisse qui saura l’arrêter dans son projet de destruction.
C’est formidablement bien mené et bien construit, dans un subtil et inquiétant crescendo, qui nous fait basculer du banal dans le cruel, et nous mène à une fin surprenante et étonnamment humaine.
Traduit de l’anglais (Irlande) par Marie-Odile Fortier-Masek.
Phébus, 2014 (1e éd. 1976). – 238 p.