La chambre des vies oubliées - Stella Duffy
Loin du Londres touristique et historique, Brixton, au Sud de Londres est un quartier populaire où réside une population multiethnique, multiculturelle, multicolore. C’est là, dans un pressing sous la voie ferrée, au carrefour de Loughborough Junction, que Robert Sutton a passé toute sa vie. Il y a grandi, il y a travaillé et il y a vécu, avec sa mère Alice d’abord, avec sa femme Jane ensuite, puis tout seul. Aujourd’hui, Robert est fatigué et aspire à un repos bien mérité. Il passe une petite annonce pour trouver un repreneur et c’est Akeel Khan, jeune anglais d’origine pakistanaise, qui se présente. Ce n’est pas vraiment le successeur dont Robert aurait rêvé, mais il décide de jouer le jeu : pendant un an, il va lui apprendre son métier avant de lui laisser les clés.
Voilà deux hommes que tout sépare (âge, religion, culture, histoire, traditions) et qui pourtant vont apprendre à se connaître et à s’apprivoiser. Robert, qui a un avis sur tout, va dévoiler sa philosophie de la vie et du commerce à son jeune apprenti, dévoilant un peu de son passé et recevant les rêves du jeune homme. A travers eux, et autour d’eux, l’auteur fait vivre tout un quartier et ses habitants : deux clodos qui squattent un vieux canapé sous la voie ferrée, un danseur homosexuel qui ne croit pas à l’amour, une jeune baby-sitter australienne amoureuse de son patron, une vielle dame terrifiée par cette maladie qui lui vole sa mémoire, des personnages qui sillonnent la ville en métro, bus ou train.
C’est un roman sur la transmission d’une génération à l’autre, et Akeel représente le nouveau visage de Londres. Dans ce roman choral, tout plein d’humanité, et par le biais de vies à la fois banales et uniques, l’auteur écrit un hymne au mélange et à la mixité, et dessine un nouveau paysage de la vieille Angleterre. Il n’y a pourtant pas d’angélisme dans cette histoire. Ce quartier de Brixton n’est exempt ni de racisme, ni de violence, ni de pauvreté, et pourtant on s’y sent bien. C’est un lieu de vie ouvert sur le monde.
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Traduit de l’anglais par Karine Laléchère
Grasset, 2010. – 380 p.