Le serpent aux mille coupures - DOA
Je continue d’explorer l’œuvre de DOA avec un roman que je ne pouvais manquer puisqu’il se déroule à Moissac (Tarn & Garonne), une ville que je considère un peu beaucoup comme la mienne. Moissac : son abbaye romane, son chasselas doré, et ses coteaux verdoyants, symbole de la douceur de vivre et de l’ennui dominical, une ville où il ne se passe jamais rien. Quoique…
Par une nuit glaciale, Baptiste Latapie se faufile dans les vignes de son voisin pour les saccager. Pourquoi tant de haine ? Parce que son voisin est noir et que Baptiste ne supporte pas l’idée qu’un « singe » lui « vole » ses terres. Depuis des mois, il se livre donc à une guerre de harcèlement souterrain dans le but de le faire déguerpir. Mais pendant son activité frauduleuse, Baptiste va assister à une scène qu’il n’aurait jamais dû voir et qu’il ne pourra confier à personne. Une voiture, un motard, sept coups de feu. Terrifié, Baptiste se cloître chez lui, pendant que le motard, blessé, se réfugie dans la première ferme venue, qui se trouve être celle du voisin noir, Omar Petit, qui va se retrouver pris en otage avec sa famille…
Ce qui est frappant, dans ce court roman, c’est le contraste entre cette campagne tranquille (que je connais par cœur) et la violence des évènements qui s’y déroulent. DOA veut nous ouvrir les yeux sur la réalité d’un monde qui est le nôtre, un monde que la mondialisation a rendu uniforme dans sa violence et sa bêtise.
« Ne rien voir, ne rien entendre, ne rien savoir de ce qui se passe autour de soi, c’est plus confortable mais parfois cela ne marche pas et la réalité vous saute à la gueule. »
D’un côté, la haine violente des paysans contre l’étranger, de l’autre, des trafiquants de drogue qui ne connaissent qu’une loi, celle du plus fort, qu’une règle, celle de l’argent, qu’un credo : œil pour œil, dent pour dent. Deux guerres souterraines qui se rencontrent et c’est terrifiant. Autant le précédent roman de DOA m’avait paru un peu long, autant celui-ci est haletant, servi par une plume sèche et nerveuse et une écriture très visuelle. J’aime aussi son rapport aux personnages : des méchants parfois humains, et des gentils pas complètement innocents, car DOA met le doigt sur les faiblesses ordinaires, les petites lâchetés, les trahisons et les doutes. Et, justement, le personnage le plus attachant n’est pas le plus pur, personnage ambigu et ambivalent, pour lequel l’auteur semble avoir une certaine sympathie, parce le monde n’est pas forcément blanc ou noir…
Mais le roman, lui, est très noir. Et très bon.
L'avis de : Moisson Noire - JM Laherrère - Flo - Black novel
Gallimard / Série Noire, 2009. – 217 p.