Les lance-flammes - Rachel Kushner
« La vitesse est un passage entre la vie et la mort et au bout, on espère ressortir du côté de la vie.»
Reno doit son surnom à la ville d’où elle vient, dans le Nevada. Elle y a grandi au milieu de garçons et a très vite pris goût à la vitesse, sur les pentes enneigées d’abord, en moto ensuite. Et elle n’oubliera jamais sa première Valera. Quand elle débarque dans le New York bohême des années 70, elle espère y devenir artiste. Elle ne connaît personne mais est à l’affut de rencontres, d’aventures et d’expériences.
Valera, lui, est italien et fabricant de motos, ces motos qui font tant rêver Reno. Sa passion de la moto, il l’a découverte dans les rue de Rome au tout début du siècle, à une époque où la vitesse symbolisait une forme de révolte pour la jeunesse dorée italienne. Mais c’est pendant la guerre de 14 qu’il mesure vraiment le pouvoir de la vitesse et décide de devenir le créateur de la moto la plus rapide du monde.
Ces deux destins, qui ont pour point commun la vitesse, vont se croiser quand Reno rencontre à New York Sandro Valera, le fils de l’industriel devenu artiste et qui a renié sa riche famille. C’est pourtant Sandro qui va aider Reno à concrétiser son projet de transformer la vitesse en œuvre d’art, et qui sera aussi l'artisan de sa désillusion.
« Ensorcellement, ça veut dire vouloir quelque chose tout en sachant quelque part à l'intérieur, un endroit pas évident, qu'on ne l'aura jamais.»
Rachel Kushner a un talent fou, et son roman démarre sur les chapeaux de roues, dans tous les sens du terme, puisqu’elle nous emmène sur le Grand Lac Salé dans une mémorable course de vitesse à moto. Les 180 premières pages sont ébouriffantes, et l’idée de départ (art et vitesse) m’a beaucoup plu. Mais Rachel Kushner est trop bavarde et son roman s’enlise un peu dès qu’il se déplace dans le milieu artistique new yorkais. Ce n’est pas inintéressant, du reste, mais on a l’impression de se trouver dans une autre histoire, plus polyphonique, plus lente, qui multiple les portraits d’artistes narcissiques et les questions relatives à l’art contemporain. On se demande avec de plus en plus d’impatience quand l’auteur va se décider à renouer avec le fil initial. Jamais. On découvre dans le dernier tiers du roman, quand Reno et Sandro débarquent en Italie et se retrouvent confrontés aux Brigades Rouges, que le vrai sujet du livre est en fait la violence urbaine.
C'est dommage parce que Rachel Kushner a une vraie plume et beaucoup d’imagination. Son roman est d'une grande densité et multiplie les récits enchassés (récits de films, descriptions d'oeuvres d'art, vies d'artistes décalés) et son héroïne, mélange de détermination et d’innocence, est très attachante, mais l'auteur aborde beaucoup trop de thèmes différents et finit par perdre son lecteur.
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Françoise Smith.
Stock, coll. La Cosmopolite, 2015. – 560p.