Les foudroyés - Paul Harding
Que restera-t-il de nous après notre mort ? C'est l'un des thèmes de ce roman, et c'est la question qui agite Georges Crosby qui meurt, lentement mais sûrement, d'insuffisance rénale. Installé dans son salon, sous les yeux de sa famille réunie au grand complet, et entouré des horloges qu'il aimait collectionner, Georges est hanté par des cauchemars où il imagine que tout ce qu'il a bâti pendant sa vie s'effondrera après son départ. Alors il convoque ses souvenirs d'enfance et en particulier l'image de son père. Howard Crosby, poète fantasque et bucolique, était colpoteur et sillonnait les routes du Maine pour vendre savon, chaussettes et casseroles pour quelques sous. Lui-même fils d'un pasteur illuminé, il était régulièrement frappé de crises d'épilepsie et, tout aussi régulièrement, froudroyé par la sublime beauté de la nature.
Dans ce roman étrange et beau, Paul Harding remonte le temps et les générations jusqu'aux origines de l'Amérique. C'est le roman impressionniste d'un styliste dont les phrases interminables envoutent le lecteur. Paul Harding y tisse un lien entre les vivants et les morts, réunis par delà les vicissitudes du temps, malgré la nature labile du vivant. Sans le savoir, nous laissons tous une trace : des fleurs dans un jardin ou le tic-tac d'une horloge.
« Quand vint l’heure de mourir, nous le sûmes et allâmes nous enfoncer dans de profonds jardins, où nous nous allongeâmes et nos os se changèrent en laiton. Nous fûmes ramassés. Nous fûmes utilisés pour réparer des horloges, des boîtes à musique cassées ; nos pelvis furent fixés à des pignons, nos échines soudées en de vastes assemblages. Nos côtes servirent de dents de crénelage, battant et cliquetant comme des défenses. C'est ainsi, enfin, que nous fûmes réunis. »
Un roman par lequel il faut se laisser porter et bouleverser.
Traduit de l'américain par Pierre Demarty.
Le Cherche Midi, 2011. - 186 p