La carte et le territoire - Michel Houellebecq
Je vais être franche avec vous : sans ma copine Sylvie, il est peu probable que ce roman soit jamais entré chez moi. Mais, outre que la recommandation d'une amie lectrice est toujours une arme imparable, ce roman a un thème qui m'intéresse, puisque tout tourne autour de l'oeuvre d'art.
Le héros de ce roman, en effet, est un artiste. Jed Martin, fils d'architecte et petit-fils de photographe, se consacre pendant des années à la photographie d'objets du quotidien. Le jour des obsèques de sa grand-mère, il tombe en admiration devant une carte Michelin et commence une série de photographies de cartes, qui lui vaut la célébrité. Plus tard, il se tourne vers la peinture et réalise une série de portrais représentant les métiers disparus. A l'occasion d'un grande exposition des ses oeuvres, il décide de demander à l'écrivain Michel Houellebecq de rédiger le catalogue.
Le thème le plus intéressant de ce roman est exprimé (un peu lourdement...) dans le titre de l'exposition de Jed Martin : "La carte est plus importante que le territoire." Et donc, la représentation du monde est plus intéressante que le monde, et la littérature vaut mieux que la vraie vie. Malheureusement, ce thème est très mal exploité, à mon avis. Pourtant à la fin l'auteur a l'idée géniale d'imaginer un meurtre horrible qui semble copier une oeuvre d'art, mais préfère nous parler de la vie sexuelle du commissaire chargé de l'enquête, plutôt que de creuser sur le thème de la vie qui imite l'art.
Les meilleurs moments du roman résident dans la manière dont Michel Houellebecq se met en scène dans le rôle de l'écrivain solitaire et dépressif, et se moque de son propre personnage :
« Ce que je préfère, maintenant, c’est le fin du mois de décembre ; la nuit tombe à quatre heures. Alors je peux me mettre en pyjama, prendre mes somnifères et aller au lit avec une bouteille de vin et un livre. C’est comme ça que je vis, depuis des années. Le soleil se lève à neuf heures ; bon, le temps de se laver, de prendre des cafés, il est à peu près midi, il me reste quatre heures de jour à tenir, le plus souvent j’y parviens sans trop de dégâts. Mais au printemps c’est insupportable, les couchers de soleil sont interminables et magnifiques, c’est comme une espèce de putain d’opéra, il y a sans arrêt de nouvelles couleurs, de nouvelles lueurs, j’ai essayé une fois de rester ici tout le printemps et l’été et j’ai cru mourir, chaque soir j’étais au bord du suicide, avec cette nuit qui ne tombait jamais. »
Au final, ce n'est pas désagréable à lire, mais ça ne me laissera pas un souvenir impérissable. A un moment, évoquant l'oeuvre d'un artiste, Michel Houellebecq écrit : « Il n'y a aucune force, aucun élan vital », c'est exactement mon sentiment sur son roman.
Flammarion, 2010. - 428 p.