Chimères - Nuala O'Faolain
Il arrive parfois qu’un livre soit en résonance parfaite avec ce que nous sommes à un moment précis. Ce fut très exactement le cas pour moi avec ce beau roman de Nuala O’Faolain, car son héroïne qui, parvenue au milieu de sa vie, se retourne vers son passé et s’interroge sur son avenir, ce pourrait être moi. J’ai les mêmes questions, elle a les mêmes angoisses.
C’est avec un immense plaisir que j’ai retrouvé cette auteure (découverte grâce à Flo), dont l’autobiographie m’avait emballée, bien que très brouillonne. Or, Nuala O’Faolain nous offre cette fois un roman parfaitement construit et totalement maîtrisé, qui entremêle avec beaucoup de talent et une grande sensibilité deux histoires qui se répondent et se reflètent très intelligemment.
Kathleen a quitté son Irlande natale à vingt ans, parce que la vie y était impossible pour les femmes. Elle découvre rapidement que l’Angleterre des années soixante-dix n’est pas très agréable à vivre non plus pour une irlandaise. C’est pourtant à Londres qu’elle s’installe et devient journaliste pour une revue de voyages. Trente ans plus tard, à l’occasion de la mort brutale de son meilleur ami, Kathleen remet en cause toute sa vie. Elle retourne en Irlande pour mener une enquête sur un scandale qui défraya la chronique dans les années 1850 : une liaison adultère entre une aristocrate anglaise et son palefrenier. A travers ce fait divers, Kathleen fait surgir tout un pan de l’histoire irlandaise : l’occupation de l’Irlande par les anglais, l’oppression, la grande famine qui poussa des milliers d’irlandais à s’exiler, la révolte des irlandais et, enfin, l’indépendance. Mais c’est aussi à sa propre histoire que Kathleen se trouve confrontée : son enfance entre un père absent et une mère résignée, sa jeunesse délurée, ses tristes amours, ses départs et sa solitude.
Voilà un gros roman que l’on referme avec les larmes aux yeux, parce qu’il parle de la vie, de ce qui fait que la vie est immuable dans un siècle ou un autre : amour et désir, amitié et trahison, regrets et remords, culpabilité et pénitence, joie et tristesse, naissance et mort.
Traduit de l’anglais (Irlande) par Stéphane Camille.
10/18 – 2006 – 542 p.