Le ciel de Bay City - Catherine Mavrikakis
Rentrée littéraire 2009
Ce ciel mauve de Bay City, Amy l’a toujours détesté. Elle y a toujours vu le miroir du malheur, de la mort et du désespoir.
Amy devrait être une adolescente américaine comme les autres. Elle a grandi dans une maison de tôle bleue dans une petite ville du Michigan, un état noyé dans les fumées d’usine. Elle vit entre sa mère et sa tante, deux émigrées françaises, va au collège le jour et travaille au supermarché du coin le soir.
« Je comprends que sous mes allures de révoltée, de rebelle, de dure à cuire, de petite Américaine dévergondée fan d’Alice Cooper, perce mon intolérable douleur, ce que ma mère appelle « ma juiverie. »
Sa mère n’aime pas Amy et lui parle toujours avec le plus grand mépris. Elle pleure toujours une première petite fille morte à la naissance. En Amy, elle a toujours vu une enfant souffreteuse et débile. Alors Amy fuit le plus possible sa maison où elle a le sentiment de n’être pas comprise. Et de n’avoir personne à qui parler des horribles cauchemars qui font hurler ses nuits : des scènes de torture, d’assassinats, des morts par milliers. Amy a découvert le secret de sa mère et de sa tante : elles sont juives, filles de déportés morts à Auschwitz, mais sur ce passé elles ont tiré un trait. Elles ont changé de pays, de nom et de religion. L’horreur dans laquelle leur famille a péri, elles l’ont laissé en Europe. Mais ce passé habite et détruit Amy, obsédée par la mort, coupable d’être en vie, alors que tous sont morts. Alors ce soir du 4 juillet 1979, alors qu’elle vient d’avoir dix-huit ans, elle met le feu à la maison pour que les vivants rejoignent les morts.
Dans ce roman, Catherine Mavrikakis reprend les mêmes thèmes que Fabrice Humbert dans L’origine de la violence : un secret de famille concernant l’Holocauste qui rejaillit sur la génération suivante. Mais je suis loin d’avoir ressentie le même enthousiasme avec ce roman-ci. Le secret, ici, est bien plus lourd : ce sont quarante-huit membres de la famille d’Amy qui sont partis en fumée dans le ciel de l’Allemagne nazie. Et ce deuil impossible à faire, Amy, qui n’a jamais mis les pieds en Europe, va le traîner toute sa vie. Et je dois dire que j’ai trouvé ça vraiment lourd, cette douleur qui n’en finit plus, cette pulsion de mort qui jamais ne s’infléchit. Peut-être qu’après trop de lectures sur ce thème, je suis arrivée au bout de ce que je pouvais supporter, mais j’ai trouvé que voir cette jeune fille, puis cette femme se consumer à petit feu était insupportable.
« Nous sommes une race que l’on a voulu anéantir. Nous avons vécu mille pogroms, des milliers de ghettos, la Shoah. Nous sommes juifs et tristes. Et la vie ne peut recommencer. L’histoire est décidément trop lourde. »
Et malgré la plume fluide de Catherine Mavrikakis, à la fois précise et poétique, malgré cette fin qui réconcilie enfin les vivants et les morts, je n’ai pas réussi à aimer ce roman.
Venise a le même ressenti que moi, mais Lucie a aimé, tout comme Marielle.
Sabine Wespieser, 2009. – 294 p.