Les soeurs Brelan - François Vallejo

Publié le par Papillon

 

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Elles sont trois, les sœurs Brelan, comme au poker, trois sœurs qui viennent de perdre leur père. Et comme leur mère est morte quelques années plus tôt, les voici orphelines, obligées de passer devant le conseil de famille et le juge qui décideront qui doit les prendre en charge.

 

Cette première scène est extraordinaire de vérité, on s’y croirait, dans le bureau de ce petit juge, qui découvre bien vite qu’il s’est fait rouler par les trois gamines dont l’aînée vient juste d’atteindre l’âge de vingt et un ans, l’âge de la majorité puisque nous sommes dans les années cinquante. Et on la devine avide, cette tante Rose qui réclame la tutelle de ses nièces et se voit déjà installée dans la grande maison de son frère, régentant son petit monde, un monde de femmes puisque dans la famille les hommes ne font pas long feu. Mais les trois sœurs ne l’entendent pas de cette oreille. Elles vont contre-attaquer et jouer leur partie, comme une partition à trois voix : Marthe, l’aînée et la plus raisonnable, prête à assumer la responsabilité de ses sœurs, Judith, la plus jeune et la plus rebelle, décidée à rester fidèle à l’image de son père, et Sabine, entre les deux, comme le fléau de la balance.

 

Elles vont réussir à séduire le juge avec leur aplomb et obtenir gain de cause. Marthe qui n’a ni études, ni métier, ni revenu, va obtenir la tutelle de ses sœurs. Première incohérence qui m’a fait tiquer. Et tout le reste est, hélas, à l’avenant : des situations de moins en moins crédibles. Marthe, à qui la tante Rose a fait une réputation épouvantable n’arrive pas à trouver de travail ? Qu’à cela tienne : la grand-mère Madeleine, charmante mais à demi gâteuse, va lui en trouver un en deux minutes, chez l’associé de son père, dans un cabinet d’architecture. Et avec son petit salaire de secrétaire, Marthe parvient à nourrir ses sœurs, entretenir sa grande baraque, réparer le toit et passer le permis. Hélas, la tuberculose lui tombe dessus et elle se retrouve dans un sanatorium. Sa sœur Sabine, qui vient à son tour d’atteindre sa majorité, en profite pour lui piquer son job, avant de se lancer dans une aventure sentimentale complètement improbable avec un industriel berlinois.

 

Même les relations entre les trois sœurs m’ont semblé peu crédibles, des relations à la fois fusionnelles, qui les poussent à se couper de toute vie sociale et à partager le même lit pendant des années, et chaotiques, émaillées de querelles, de bouderies et de jalousies. Et pourtant on ne retrouve pas dans ce roman, cette atmosphère de huis clos étouffant dans laquelle François Vallejo excelle, et qui est propice à la création de tensions psychologiques extrêmes. Les sœurs Brelan vivent leur vie chacune de leur côté. Les trois parties du roman nous dévoilent donc leurs trois destins : Marthe au sana, Sabine à Berlin (occasion pour l’auteur de tourner une page d’histoire en nous montrant la construction du Mur, et de tracer entre les deux plus jeunes sœurs cette opposition majeure qui a traversé tout le XXe siècle, entre capitalisme et communisme), et Judith à Fleury-Mérogis.

 

De tristes destins pour un brelan de dames décidément bien fade, et dont on envie à aucun moment la fausse liberté.

 

Editions Viviane Hamy, 2010. – 286 p.


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C
<br /> <br /> Ca a ét pour moi une lecture agréable ( mais pas plus...), je n'ai toujours pas écrit mon billet !<br /> <br /> <br /> <br />
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P
<br /> <br /> Je lirai ton avis avec plaisir, alors, pour comparer <br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> <br /> Je viens juste de l'emprunter, mais là je me dis que ce n'est peut-être pas le choix le plus judicieux, d'auatnt que je n'ai toujours pas lu Ouest .<br /> <br /> <br /> <br />
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P
<br /> <br /> Je te conseille dix fois plus Ouest qui était vraiment réussi !<br /> <br /> <br /> <br />
K
<br /> <br /> Quand on n'entre pas dans un livre, tout ce qui n'est pas crédible saute aux yeux... et c'est gênant sauf si l'on se situe d'emblée dans un conte. En tout cas, celui-ci était sur une liste pas<br /> indispensable, il va y rester, ou même disparaître carrément ! Merci Papillon !<br /> <br /> <br /> <br />
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P
<br /> <br /> Bah, c'est pas les bons romans qui nous manquent !<br /> <br /> <br /> <br />
K
<br /> <br /> Je l'ai lu (billet non paru encore) et j'ai été moins emballée que d'autres. je te suis donc sur ton avis...<br /> <br /> <br /> <br />
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P
<br /> <br /> je suis contente de voir que je ne suis pas la seule <br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> <br /> Il me tentait bien, mais j'ai lu pas mal de billets dans le genre du tien. Je le prendrai peut-être à la bibliothèque pour essayer sans prendre de risques.<br /> <br /> <br /> <br />
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P
<br /> <br /> J'ai été d'autant plus déçue que j'aime vraiment beaucoup cet auteur...<br /> <br /> <br /> <br />