L’invention de nos vies – Karine Tuil
Alors que je finissais mon billet sur ce roman, j’ai eu envie de relire celui de Cuné. Et ça m’a fait rire, parce qu’il commence comme le mien : « C’est compliqué ». Oui, c’est compliqué de parler de ce livre, dont certains éléments m’ont soufflée, voire estomaquée, quand d’autres m’ont beaucoup ennuyée (mais pas les mêmes que Cuné).
C’est l’histoire de Samir Tahal, jeune musulman, fils d’immigrés, qui a grandi dans l’une de ces banlieues ternes et grises qui entourent Paris. Samir est intelligent, bosseur et il a la rage, la rage d’échapper au destin que la société a prévu pour lui. A l’université, il rencontre Samuel et Nina, tombe amoureux de Nina, qui lui préfère Samuel. Alors il fuit aux Etats-Unis, le pays de tous les possibles. Vingt ans plus tard, il est devenu ce qu’il rêvait d’être : un homme puissant, avocat talentueux, marié à une riche héritière. Sauf que toute sa vie repose sur une imposture identitaire. Samuel et Nina le retrouve par hasard et décident de reprendre contact.
Il y a beaucoup de thèmes dans ce roman, trop à mon avis, certains fonctionnent et d’autres pas. La première partie du roman, qui tourne autour de Samir, est fascinante. La plume de Karine Tuil, sèche et nerveuse, dresse le portrait d’un homme magnétique, charismatique, tourné vers un unique objectif. Et on y croit totalement à ce personnage, on se laisse emballer, séduire. Il nous emporte dans sa soif de réussite et de succès, à tel point qu’on lui pardonne tout. En revanche, le trio amoureux ne fonctionne pas, il ne m’a tout simplement pas paru crédible, et il est bourré de clichés, de situations convenues qui m’ont exaspérée. Tout comme ne m’a pas du tout intéressée la réussite de Samuel en écrivain, et les complications que ça entraîne. Toutes ces péripéties sont, à mon humble avis, parfaitement superflues et ont le tort de flouter un peu ce qui est le vrai sujet du livre : la question identitaire. Un thème que Karine Tuil prend à bras le corps, et qui est vraiment passionnant. Tous les personnages de cette histoire jouent plus ou moins rôle, parce que la société ne leur laisse pas le choix.
« L’obligation de réussir - cette menace qui pèse sur vous sur la naissance, cette lame que la société vous place sous la gorge, qu’elle maintient fermement jusqu’à suffocation et ne retire qu’à l’heure de la proscription, ce moment où elle vous met hors jeu, vous disqualifie. »
Un roman à lire pour la force d’une écriture qui aborde toutes les noirceurs de la société.
L'avis de Blablablamia, de Céline, de Sylire.
Grasset, 2013. – 504 p.