L'île joyeuse - Dawn Powell
Dix ans après avoir quitté son Ohio natal, Prudence Bly est parvenue là où elle le voulait : en haut de l'affiche. Dans le New York des années trente, se presse autour de la jeune chanteuse à la mode une clique d'artistes plus ou moins célèbres et de demi-ratés aux prétentions artistiques avortées. Alors que la crise économique asphyxie l'Amérique, et que le guerre se prépare en Europe, ce petit monde vain et futile s'étourdit nuit après nuit dans des fêtes arrosées de champagne où chacun s'emploie à médire de son voisin, pour cacher ses propres fêlures.
Ce petit microcosme, qui ne tient debout que par les masques qu'il porte, va étre déstabilisé par l'arrivée d'une jeune dramaturge. Jeff Abbott, qui fut le premier amour de Prudence dans l'Ohio, est aussi talentueux qu'intègre et refuse de jouer le jeu des mondanités et de la célébrité. Il va ironiser sur la vacuité et l'hypocrisie de cette société de pacotille, s'écriant comme l'enfant du conte d'Andersen : "Le Roi est nu !"
Dawn Powell, écrivaine américaine des années trente et quarante, très méconnue en France (et quel dommage !), est un mélange de Truman Capote et de Dorothy Parker. Elle trempe sa plume dans l'acide pour dénoncer un monde d'artifices et de faux semblants où le mensonge est roi, la gaieté factice et la douleur muette, et nous offre un récit drôle et méchant, spirituel et caustique. Ce roman, publié en 1938, est d'une étonnante modernité avec son jeu social qui impose la tyrannie du bonheur, l'exaltation du narcissisme et l'obsession de la célébrité.
Traduit de l'américain par Anouk Neuhoff.
Quai Voltaire, 2012. - 312 p.