Au bord de l'eau, tome 1 - Shi Nai-an

Publié le par Papillon

 

shi

 

Cet énorme roman est le plus grand classique de la littérature chinoise, celui que tout chinois a un jour lu ou étudié à l'école, et dont les multiples épisodes font les beaux jours de l'opéra chinois. Issu de faits réels, transformés en épopée par la tradition orale et le talent des conteurs, puis en livre par les efforts conjugués de plusieurs scribes, il relate les aventures et les exploits d'une troupe de brigands, qui sévirent sous le dynastie des Song du Nord, au XIIe siècle.

 

Dans cette Chine médiévale déjà unifiée, corruption, abus de pouvoir et prévarication règnent à tous les étages d'une administration aussi puissante que tentaculaire, depuis le palais de l'Empereur, jusqu'au bureau du fonctionnaire le plus humble. Le roman se présente comme une succession d'épisodes mettant en scène des hommes valeureux mais en délicatesse avec la justice.

 

Ces héros, aussi braves que talentueux, aussi fins lettrés que maîtres en arts martiaux, sont presque tous issus de cette administration gangrénée : maîtres d'armes, officiers, gendarmes, maîtres d'école, employés administratifs, ou d'une aristocratie qui refuse le jeu de la tyrannie et de la spoliation. Pour avoir voulu réparer une injustice, défendre la veuve et l'orphelin, s'opposer à l'oppression, ces hommes vont être poussés à commettre un délit ou un crime, qui leur vaudra châtiment, ruine et bannissement. Face au déshonneur, une seule échappatoire leur est offerte : "se cacher dans les herbes", autrement dit, devenir hors-la-loi. Plusieurs bandes de malandrins vont ainsi se constituer autour de ces hommes, pour finalement se réunir en une seule troupe, aussi puissante qu'une armée, qui finira par mettre en danger le pouvoir impérial.

 

Cette histoire aux multiples anecdotes, rebondissements, coups du sort est un véritable feuilleton. Bagarres et batailles alternent avec banquets et beuveries (le chinois du Moyen-Age est grand amateur de vin et de viande !), ruses et tromperies rivalisent avec pièges et traquenards. Le style est alerte et vif, le langage truculent et imagé, les personnages hauts en couleur. Ne manque ni l'humour, ni l'ironie, ni les commentaires de l'auteur, ni le rebondissement inattendu en fin de chapitre qui pousse le lecteur à tourner la page suivante :

 

"Qu'advint-il donc de Yang Zhi, le Fauve-à-face-bleue, qui s'en allait chercher la mort sur la crête du mont de Boue-Jaune ? La suite de l'histoire vous le fera savoir."

 

Bien sûr, tous les héros ne sont pas pareillement sympathiques, tous les épisodes ne sont pas aussi palpitants, mais dans l'ensemble, quelle réussite ! Et quel voyage que celui-ci, autant dans la langue dont le vocabulaire est d'une richesse inouïe (mille bravo au traducteur !), que dans la culture et les traditions chinoises. On y découvre notamment les rites extrêmement complexes de la politesse chinoise. Et ces brigands nous emmènent dans toutes les strates de la société et dans tous les milieux : palais et manoirs, tribunaux et prisons, temples et monastères, tavernes et auberges, villes et villages, boutiques et ateliers, forêts et jardins, et, bien sûr, sur les bords de cette rivière dont les bras marécageux, servent de repaire à ces brigands savoureux et magnifiques.

 


Traduit du chinois, présenté et annoté par Jacques Dars.

Gallimard, coll. Folio, 2011. - 1152 p.


Publié dans Littérature asiatique

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C
<br /> Je l'ai eu un nombre incalculable de fois dans mes mains, masi j'ai toujours eu peur de l'acheter de part sa taille !! Y a  t-il un T2 ?<br />
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P
<br /> <br /> Il est énorme, oui, et il y a un tome deux (qui attend son tour sur ma table de nuit !) mais ça se lit très vite, c'est un peu burlesque, exotique, très chouette.<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> Je vois que tu n'as peur de rien, mais c'est ainsi qu'on fait les plus belles découvertes !<br />
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P
<br /> <br /> Tout juste !<br /> <br /> <br /> <br />
K
<br /> Mais ça a l'air pas mal, dis donc! une trouvaille. Surtotu si cela se lit sans trop d'ennui (ça j'en ai peur, pour ce genre d'ouvre, j'ai encore en mémoire le livre du chevalier zifar, parfois un<br /> peu trop daté)<br />
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P
<br /> <br /> En fait, ça se lit très bien, à condition que tu ne soies pas rebutée par le vocabulaire du Moyen-Age, parce que le traducteur a fait un réel boulot pour rendre l'atmosphère de l'époque ( il y a<br /> un glossaire à la fin !) Comme c'est issu de la tradition orale, il y a une tendance à la répétition (un peu comme chez Homère), mais c'est assez plaisant en fait parce que c'est drolement bien<br /> écrit !<br /> <br /> <br /> <br />