Même les cow-girls ont du vague à l'âme - Tom Robbins
Souvenez-vous : Tom Robbins fut mon grand coup de cœur de la rentrée littéraire 2009 avec sa grenouille et ses nénuphars, et je ne pouvais absolument pas passer à côté de la réédition de son plus fameux roma n dans la collection Totem de Gallmeister, et ce malgré quelques avis plus que mitigés ici ou là.
L'héroïne de cette histoire, Sissi Hankshaw, est née avec une particularité physique bien gênante : deux pouces démesurés, ce qui cause l’inquiétude de sa mère quant à son avenir, et les moqueries de ses camarades de classe. Mais Sissi n’en a cure, elle a trouvé sa vocation : elle sera auto-stoppeuse. Très jeune, la jolie Sissi met donc les voiles, et sillonne l’Amérique et le monde « sur le pouce ». Sur sa route, elle rencontre la Comtesse, qui, comme son nom ne l’indique pas, est un riche industriel spécialisé dans les déodorants féminins qui va faire d’elle son égérie. C’est aussi grâce à la Comtesse que Sissi débarque un jour au ranch de la Rose de Caoutchouc où elle va rencontrer une bande de folles cow-girls, des grues en fugue, un étrange Chinetoque, chacune de ces rencontres étant pour elle l’occasion de remettre en cause son identité.
Bien plus qu’un roman, ce livre est un manuel de philosophie et un manifeste politique. Drolatique, erratique, loufoque, humaniste, mais politique. Tom Robbins s’en prend à peu près à tout le monde : industriels et politiques, médecins et religieux, écolos et baba-cools, et même artistes bohêmes. A travers le personnage de Sissi, il lance une charge féroce mais burlesque contre la tyrannie de la normalité et exalte la richesse de la différence, quelle qu’elle soit : sexuelle, ethnique, culturelle ou physique.
« Il n’y a qu’une seule chose qui vaille mieux que le bonheur dans cette vie et c’est la liberté. Il est plus important d’être libre que d’être heureux. »
Le problème, c’est que ce roman riche et touffu part un peu dans tous les sens. Et malgré la plume chatoyante de l’auteur, le lecteur est parfois un peu perdu, voire enlisé dans l’ennui. D’autant que le personnage de Sissi, bien que sympathique, est quand même très énigmatique, pour ne pas dire transparent, et que l’on a bien du mal à se passionner pour son sort… Je comprends donc que nombre de lecteurs soient restés en panne dans ce roman, il m’a fallu presque deux mois pour en venir à bout, tant les pauses furent nombreuses. Mais heureusement l’auteur intervient régulièrement dans l’histoire (il va jusqu’à se mettre en scène dans le rôle d’un psychiatre maboule) pour rattraper son lecteur par le coin de l’oreille et le remettre sur les rails.
Et j’aime toujours autant cet univers loufoque, ces personnages délirants et surtout cette philosophie de la vie et de la société en laquelle je me retrouve complètement. Donc : oui, il faut lire Tom Robbins !
Traduit de l’américain par Philippe Mikriammos.
Gallmeister, coll. Totem, 2010 (1e édition 1975). – 454 p.