Manifeste du routard
« Il faut imaginer le monde comme un rendez-vous des errants qui s'avancent sac au dos, des clochards célestes qui refusent d'admettre qu'il faut consommer toute la production et par conséquent travailler pour avoir le privilège de consommer, et d'acheter toute cette ferraille dont ils n'ont que faire ; réfrigérateurs, récepteurs de télévision, automobiles (...) et toutes sortes d'ordures inutiles, les huiles pour faire pousser les cheveux, les désodorisants et autres saletés qui, dans tous les cas, atterriront dans la poubelle huit jours plus tard, tout ce qui constitue le cercle infernal : travailler, produire, consommer. J'entrevois la grande révolution des sacs à dos. Des milliers, des milliers de jeunes américains, bouclant leur sac et prenant la route, escaladant les montagnes pour prier, faisant rire les enfants, réjouissant les vieux, rendant heureuses les jeunes filles et plus heureuses encore les vieilles, tous transformés en Fous du Zen, lancés de par le monde pour écrire des poèmes inspirés, sans rime ni raison, pratiquant la bonté, donnant l'image de la liberté par leurs actes imprévus, à tous les hommes et même à tous les êtres vivants. »
Jack Kerouac, Les clochards célestes.