La porte des enfers - Laurent Gaudé
Rentrée littéraire 2008
« Chaque deuil nous tue. Nous en avons tous fait l'expérience. Il y a une joie, une fraîcheur qui s'estompe au fur et à mesure que les deuils s'accumulent... Nous mourons chaque fois un peu plus en perdant ceux qui nous entourent. »
Mais qu’y a-t-il de pire que la mort d’un enfant ? Surtout quand elle est brutale et injuste : une fusillade dans une rue de Naples, une balle perdue et un enfant de six ans qui tombe sous les yeux de son père. De la mort de Pippo, Matteo et Giuliana ne se consolent pas. Giuliana veut qu’on lui rende son fils, ou, à défaut, qu’on lui apporte la tête de l’assassin. Après la colère et la révolte, elle optera finalement pour l’oubli. Quant à Matteo, incapable de tuer froidement le mafieux responsable de la mort de son fils, il arpente chaque nuit les rues de Naples, au volant de son taxi. Jusqu’au jour où il charge Grace, un travesti qui lui paie un verre chez Garibaldo. Dans ce bar un peu louche, Matteo va rencontrer le Père Mazerotti, un curé rebelle, et le Professore Provolone qui lui raconte qu’il existe dans les bas-fonds de Naples une porte qui mène aux enfers. De là à imaginer qu’il pourrait descendre chercher son fils, il n’y a qu’un pas…
Laurent Gaudé, que je n’avais encore jamais lu, revisite ici le mythe d’Orphée. Point de lyre, pourtant, ni de cerbère, mais une vision très glauque de ce qui nous attend de l’autre côté (vision qui n’est pas sans rappeler celle de Philip Pullman). Et même la matérialiste invétérée que je suis a frémi à cette lecture. L’auteur passe du réel au fantastique avec une facilité déconcertante et troublante. Et il nous fait la démonstration que rien ne sert de retenir ceux qui s’en vont, même quand ils emportent une part de nous-mêmes avec eux. Continuer notre vie en surmontant la douleur de la perte, même quand le deuil est difficile, est le meilleur cadeau que nous puissions faire à ceux qui nous quittent et que nous nous devons de ne pas oublier. Laurent Gaudé nous offre une fable très émouvante sur un sujet difficile, sans pathos ni lamentations. Une histoire moins sinistre qu’il n’y parait, servie par une plume sobre et légère.
L'avis d'Amanda.
Actes Sud, 2008. – 267 p.