"Si vous voulez mon humble avis, dit-elle, la vie sans Shakespeare n'est pas une vie."
Cinquante ans d'histoire américaine, voilà ce que ce premier roman se propose d'explorer à travers une histoire de famille sur trois générations. L'originalité du livre repose d'abord sur le fait qu'il n'y a pas une mais deux familles au cœur de l'histoire, une blanche et une noire, qui vont se frôler ou se croiser pendant des dizaines d'années jusqu'à finir par s'unir. Occasion pour l'autrice d'explorer les relations entre les Blancs et les Noirs depuis l'époque de la Ségrégation jusqu'aux années Obama.
D'un côté, il y a James Vincent, né à Pittsburgh dans une famille modeste et quelque peu dysfonctionnelle, qui étudiera le droit pour devenir un riche avocat new-yorkais, futur père de Rufus ; de l'autre, il y a Agnès Miller, brillante jeune fille née en Géorgie, objet de fierté pour ses parents, qui va traverser une terrible épreuve qui la séparera pour toujours de son premier amour et la poussera à épouser Eddie Christie, puis deviendra la mère de Claudia. Un jour Rufus épousera Claudia. Entretemps, il y aura eu la guerre du Vietnam et l'assassinat de Martin Luther King, la lutte pour les droits civiques et l'émancipation des femmes. Et autour de ces personnages centraux, s'agite une foule de parents, amants et amantes, époux et épouses, enfants et cousins, voire enfants illégitimes.
"On peut parler de privilèges à en perdre haleine, mais on les comprend véritablement quand on a vécu en compagnie de quelqu'un qui a dû apprendre à faire davantage avec moins."
En général j'aime bien les sagas familiales mais j'avoue avoir eu beaucoup de mal avec ce roman qui nous est livré en vrac. Chacun prend la parole à tour de rôle et les époques se mêlent, tout comme les lieux (on se déplace beaucoup dans ces familles). A chaque chapitre intervient un nouveau narrateur, dont le lecteur se demande quel lien il a avec les autres, ce qui l'oblige à se reporter à la liste des personnages qui figure au début de l'ouvrage. Difficile de s'y retrouver dans cette multitude de personnages, dont l'autrice ne livre que quelques bribes de vie. J'ai fini par me dire que je lisais des nouvelles et non pas un roman, tellement tout était éclaté et morcelé. En plus, en guise de fil rouge, Regina Porter utilise une pièce de théâtre, Rosencratz et Guildenstern sont morts de Tom Stoppard, que je n'ai pas lue mais qui revient comme un leitmotiv, et dont je n'ai pas bien compris le rôle dans le roman. Et finalement, la seule personne à laquelle je me suis attachée n'est même pas vraiment de la famille, puisqu'il s'agit d'Eloise, l'amie et amante d'Agnes, un personnage étonnant de modernité.
Bref, il y a sans doute plein de bonnes choses dans ce roman, mais je suis restée constamment sur le bord. Ou peut-être que je me lasse des histoires de familles américaines