"La contribution de l'Amérique à la pensée chrétienne réside dans l'idée qu'un dieu qui ne vous promet pas de vous rendre riche n'est pas un dieu qui mérite d'être servi."
Richard Weatherford est un pilier de sa communauté dans la petite ville de Stock, Arkansas, le genre de petit bled où tout le monde se connait et s'observe. Pasteur très impliqué, père de cinq enfants, favorable à la prohibition (il lutte activement pour empêcher tous les débits de boisson dans sa paroisse), Richard a pourtant ses failles comme nous tous. Il a eu une brève liaison avec un jeune homme très perturbé, et se retrouve victime de chantage. Il a vingt-quatre heures pour trouver trente mille dollars, alors que c'est la veille de Pâques, l'un des jours les plus chargés pour lui. Et cet homme fort estimable en apparence va dévoiler une facette inattendue de sa personnalité.
"Aucune offre de salut ne paraît invraisemblable à un homme qui ne demande qu'à être sauvé."
Au départ on trouve Richard plutôt sympathique, on espère vraiment qu'il va se sortir de cette pénible situation (que celui qui n'a jamais fauté lui lance la première pierre...), car il a tout à perdre dans cette histoire : sa réputation, sa famille, sa position sociale. Il va s'agiter comme un beau diable pour trouver une solution, quelque désespérée qu'elle apparaisse. Il va donc s'adresser à la plus mauvaise personne pour régler son problème, quelqu'un qui se trouve dans une situation tout aussi désespérée et qui est prêt à tout pour s'en sortir parce qu'il n'a plus grand chose à perdre. Richard va ainsi sans le vouloir mettre en branle une chaine d'évènements impliquant plusieurs autres personnes, et la situation va totalement lui échapper....
"Le diable promet la même solution facile à tous les problèmes, la même rustine pour toutes les brèches : fais ce que tu veux."
L'auteur imagine un étouffant huis clos dans cette petite ville, où tout se déroule entre l’église, deux ou trois maisons et un bar, en même temps qu'une course contre la temps. Sottise, maladresse et brutalité vont se combiner en un crescendo dramatique où les plus coupables ne sont pas ceux que l'on croit, dans cette Amérique de 2016 qui s’apprête à voter pour Trump, et où l'on découvre que le roi est nu. L'histoire est racontée tour à tour par tous les protagonistes, donnant à voir les différentes motivations de chacun. Rien de tel pour déjouer la comédie des apparences, car bien sûr personne n'est complètement blanc dans cette histoire, qui emporte complètement le lecteur et le laisse sonné.
"Il avait essentiellement célébré l'hypocrisie de la ville. Il avait béni les mensonges que les gens d'ici se racontent. Il leur disait qu'ils étaient de bons, de respectables chrétiens, peu importait la petitesse et la mesquinerie de leur vie. Nous le détestions pour ça."
Titre original : Dry County.
Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Sophie Aslanides.
Gallmeister, coll. Americana, 2019. - 320 p.