Sur la terre comme au ciel - Davide Enia
Rentrée littéraire 2016
"Ce n'était plus de la boxe. C'était une fureur qui devenait une danse."
Dans la Sicile des années 50, c'est le règne de la violence et le début de la mainmise de la Mafia sur l'économie locale. Les uns se bagarrent dans le rue, les autres se tirent dessus, et parfois tout ça se mélange. La castagne, Davidù la découvre à neuf ans à peine, pour prendre la défense de la jolie Nina. Il n'en faut pas plus à son oncle Umbertino pour le faire monter sur un ring et chausser les gants de boxe. Car dans la famille de Davidù on est boxeur de père en fils. L'oncle Umbertino, grand gaillard de cent vingt kilos et grand coureur de jupons, fut lui-même un boxeur renommé qui échoua au titre national italien, avant d'ouvrir la toute première salle d'entraînement de Palerme. C'est là que Davidù va faire ses premiers pas et découvrir sa vocation.
"Dans la vie, tu te bats jamais contre des types de la même catégorie. Alors, dans le doute, comme dit l'Évangile : d'abord tu cognes, après tu demandes."
Et c'est Davidù qui raconte, occasion pour lui de faire revivre toute l'histoire de sa famille : le grand-père Rosario, grand taiseux et cuisinier parti faire la guerre en Afrique ; la grand-mère Provvidencia, institutrice qui apprend le latin à son petit fils et lui raconte ses souvenirs ; Zinia la maman infirmière ; et, surtout le père boxeur, surnommé le Paladin, figure mythique et tutélaire, que Davidù n'a jamais connu. Son surnom de boxeur à lui sera le Poète, un surnom donné par son copain Gerruso, dont il refuse l'amitié mais qui lui colle pourtant aux basques, devenant à la fois son plus fidèle supporter et son ange gardien. Car Davidù ne va pas tarder à enchaîner les combats, se battant autant pour lui que pour sa famille qui rêve toujours du titre, mais aussi pour séduire la jolie Nina qui lui fait battre le cœur.
"Nous étions pauvres, mais nous avions du talent."
Ce roman, qui est à la fois chronique familiale et parcours initiatique, peut sembler un peu rude de prime abord, pas tant parce qu'il y est question de boxe que parce qu'on y retrouve toute l'Italie du Sud à la virilité triomphante et chatouilleuse : les femmes y sont saintes ou putes, et le déshonneur suprême pour un garçon est de se faire traiter de "pédé" (j'ai toujours un peu de mal avec le machisme à l'italienne). Et l'honneur en Sicile est particulièrement sensible, donc tout le monde se tape facilement dessus. Par ailleurs, l'auteur adopte un procédé narratif qui consiste à raconter chaque épisode en commençant par la fin et à croiser les histoires de plusieurs personnages sur plusieurs époques, on se sent donc parfois un peu perdu. Et pourtant, il a beaucoup de charme, ce récit de vies simples et rudes, porté par une langue âpre, qui cogne parfois comme un coup de poing mais n'est pas dénuée de poésie brute. Le combat de boxe s'y fait métaphore du combat pour la vie, pour l'amour et contre soi. Et on se prend à aimer cette famille sicilienne, dont les hommes finissent par révéler beaucoup de tendresse sous une carapace de fiers à bras.
Traduit de l'italien par François Brun.
Albin Michel, 2016. - 416 p.