Winter - Rick Bass
Depuis que j'ai mis un pied (si j'ose dire...) dans le Nature writing, je ne peux plus m'en passer ! Me voici donc repartie dans le Montana...
En 1987, Rick Bass décide de mettre entre parenthèses son métier de géologue, spécialiste du forage de puits de pétrole, pour se consacrer à l'écriture. Avec sa femme Elizabeth, il se met en quête d'une maison pour passer l'hiver dans un coin tranquille. Ils n'ont pas beaucoup d'argent, et leur quête les mène très au nord, dans le Montana. C'est là qu'ils tombent amoureux de la vallée du Yaak, à quelques kilomètres de la frontière canadienne. Ils s'installent dans un chalet sans confort : pas de chauffage, pas d'électricité et pas de téléphone. Et tout autour, une nature vierge et sauvage, des montagnes et des bois, peuplés de wapitis et de caribous, de pumas et de grizzlis. C'est l'automne, et l'objectif n°1 est de préparer l'hiver, ce qui signifie : couper du bois, couper du bois, couper du bois. Dans ces contrées nordiques, l'hiver n'est pas une saison mais une aventure, à la fois attendue et redoutée, d'autant plus attendue et redoutée que nos deux héros sont originaires du Texas et du Mississipi, deux états qui ignorent la froidure. Ils vont donc découvrir un monde doublement inconnu...
L'aventure narrée dans ce récit ressemble beaucoup à celle vécue par Pete Fromm dans Indian Creek, et pourtant c'est très différent. Les conditions sont quand même moins rudes (malgré les apparences). Ce n'est pas une aventure solitaire, mais une aventure de couple, et la vallée du Yaak n'est pas un lieu désert : on y compte une vingtaine d'habitants, qui ont tous un jour décidé d'abandonner une vie citadine stressante pour une vie plus calme et plus naturelle. Dans la vallée du Yaak, on trouve aussi un magasin général, un saloon et deux téléphones publics. Même au plus fort de l'hiver, la route n'est jamais coupée. Mais l'hiver reste une rude épreuve :
"Quarante degrés au-dessous de zéro. Nous avons un peu peur. Nous sommes à la merci du froid. Nous l'espérons clément (...) Mais pour le moment, nous dormons devant la cheminée, le bois brûle nuit et jour, et nous tournons maladroitement les pages de nos livres de nos mains gantées."
L'auteur découvre rapidement que dans cet environnement, il y a tout un tas de bons réflexes à acquérir et que les meilleurs amis de l'homme sont sa camionette et sa tronçonneuse. Ce qui nous vaut deux pages sur le bon usage de la tronçonneuse : comment choisir sa tronçonneuse, comment aiguiser sa tronçonneuse et comment éviter de se couper une jambe avec sa tronçonneuse... Je n'ai pas retrouvé dans ce récit la verve narrative et l'humour de Pete Fromm, peut-être parce que c'est écrit "à chaud" sous forme de journal. Mais l'auteur mène une réflexion tout à fait intéressante sur la vie loin du monde moderne, une expérience qui mène au dépouillement, à la lenteur et à une forme de béatitude.
"Je commence à me dissocier de la race humaine. Je ne voudrais pas passer pour un malotru - mais ça me plaît. Ca me plaît même tellement que ça me fait un peu peur. C'est un peu comme si en baissant les yeux vers ma main, j'y voyais pousser un début de fourrure."
A déconseiller aux frileux... Mais moi je l'ai lu alors qu'il faisait trente degrés sur mon balcon et j'ai adoré ce bain de fraîcheur !
Traduit de l'américain par Béatrice Vierne,
Folio, 2010 (1e édition 1991). - 261 p.