Longue marche - Bernard Ollivier
1. Traverser l'Anatolie
Quand je pars en voyage, j'aime que mes lectures s'accordent au contexte, voilà pourquoi j'avais glissé dans mon sac à dos ce récit de voyage à pieds conseillé par Keisha l'été dernier.
A soixante ans, Bernard Ollivier, ancien journaliste politique et grand sportif, ne se voyait pas en retraité pantouflard. Veuf avec des enfants adultes, il peut se permettre de partir à l'aventure. Son premier défi : les chemins de Saint-Jacques de Compostelle à pieds et en solitaire, un grand classique pour tout marcheur. Deux mille trois cents kilomètres en soixante-seize jours. Fort de ce succès, Bernard Ollivier décide de se jeter dans une aventure encore plus folle par sa démesure : parcourir la Route de la Soie d'Istambul à Xi'an à pieds et toujours en solitaire, sur les traces de Marco Polo. Huit mille kilomètres à travers l'Asie, huit mille kilomètres à pieds en quatre ans, par tranches de deux mille kilomètres. Ce premier tome raconte la première partie de cette folle aventure, d'Istambul à Téhéran, avec la traversée de la Turquie d'ouest en est.
Après une brève halte à Venise, puis à Istambul, Bernard Ollivier se lance sur les chemins, sac au dos, carte en mains et godillots aux pieds. Son projet est simple : suivre au maximum les routes de campagnes pour aller à la rencontre des habitants. Son un récit de voyage retrace une triple aventure : sportive, culturelle et humaine. Sportive, d'abord parce que c'est le récit d'un marcheur, un marcheur qui compte chacun de ses kilomètre et trace sa route à raison de trente kilomètres par jour, avec quelques étapes de cinquante ou soixante kilomètres (ce qui me parait incroyable, à moi, marcheuse du dimanche !). Et j'aime beaucoup la façon dont Bernard Ollivier envisage l'acte de marcher :
« Dans cet effort quotidien, cette poussée imperceptible et forte vers un objectif si lointain, ces suées bienfaisantes, je m’élève vers le ciel, je me libère des chaînes de l’enfance, de la peur, de la raison reçue. Je brise les fils dans lesquels la société m’a ligoté, je méprise fauteuils et canapés. J’agis, je pense, je rêve, je marche, donc je vis. »
La marche, c'est l'éloge de la lenteur. On s'imprégne de l'atmosphère, du paysage, on s'assied sur un bord de rivière pour casse-crouter, on engage la conversation avec un paysan qui laboure son champs, on écoute les oiseaux et le vent dans les branches. La marche est une drogue, une activité qui libère des endorphines, plus on marche plus on a envie de marcher, parce que par la marche on atteint une forme de plénitude physique qui supprime la douleur et éloigne la fatigue.
L'aventure culturelle, à la recherche des vestiges de la Route de la Soie sera bien plus décevante. Les Turcs sont davantage tournés vers le futur que vers le passé et se préoccupent bien peu de préserver les traces de leur glorieux passé. Les caravansérails, notamment, ces auberges destinées à accueillir à la fois bêtes, hommes et marchandises, ont disparus ou sont réduits à l'état de ruines.
Mais c'est avec les gens que Bernard Ollivier va vivre ses plus beaux moments. Son choix de suivre de petites routes et de préférer les villages aux grandes villes l'oblige à quémander régulièrement l'hospitalité. Sa connaissance de la langue turque est minimale mais ne l'empêchera pas de rencontrer et découvrir toutes sortes de gens : paysans et apiculteurs, instituteurs et imams, épiciers et maires, gendarmes, ouvriers, mendiants, soldats. On découvre que pour les Turs (et pour les musulmans en général) l'hospitalité est un devoir. Et les paysans turcs sont très curieux des étrangers, adorant poser des questions et "palabrer". Partout où il passe, Bernard Ollivier est traité en héros, d'autant que son aventure parait à peine crédible à des gens qui n'ont jamis quitté leur village. Ces gens n'ont rien mais partage tout, avec une générosité qui parait tout à fait anachronique aux occidentaux que nous sommes, habitués à nous méfier de tout et surtout de l'étranger.
La situation sera bien différente quand notre marcheur parviendra dans l'est de la Turquie. C'est le pays des Kurdes qui sont en guerre contre les Turcs : les terroristes rodent et les militaires sont partout. Les paysans plus pauvres et plus méfiants, sont beaucoup moins accueillants. Bernard Ollivier va connaître quelques aventures désagréables voire périlleuses. Mais il montre bien les deux visages de la Turquie, moitié turque et moitié kurde, entre orient et occident, entre tradition et modernité...
J'ai trouvé ce récit absolument passionnant, même si ces journées de marche peuvent paraître un rien répétitives. Rêvant de ce genre de périple en solitaire, tout en m'en sachant parfaitement incapable, j'ai lu ce carnet de voyage avec avidité, comme un thriller et j'ai hâte d'en découvrir la suite.
Editions Phébus, 2000. - 320 p.

A soixante ans, Bernard Ollivier, ancien journaliste politique et grand sportif, ne se voyait pas en retraité pantouflard. Veuf avec des enfants adultes, il peut se permettre de partir à l'aventure. Son premier défi : les chemins de Saint-Jacques de Compostelle à pieds et en solitaire, un grand classique pour tout marcheur. Deux mille trois cents kilomètres en soixante-seize jours. Fort de ce succès, Bernard Ollivier décide de se jeter dans une aventure encore plus folle par sa démesure : parcourir la Route de la Soie d'Istambul à Xi'an à pieds et toujours en solitaire, sur les traces de Marco Polo. Huit mille kilomètres à travers l'Asie, huit mille kilomètres à pieds en quatre ans, par tranches de deux mille kilomètres. Ce premier tome raconte la première partie de cette folle aventure, d'Istambul à Téhéran, avec la traversée de la Turquie d'ouest en est.
Après une brève halte à Venise, puis à Istambul, Bernard Ollivier se lance sur les chemins, sac au dos, carte en mains et godillots aux pieds. Son projet est simple : suivre au maximum les routes de campagnes pour aller à la rencontre des habitants. Son un récit de voyage retrace une triple aventure : sportive, culturelle et humaine. Sportive, d'abord parce que c'est le récit d'un marcheur, un marcheur qui compte chacun de ses kilomètre et trace sa route à raison de trente kilomètres par jour, avec quelques étapes de cinquante ou soixante kilomètres (ce qui me parait incroyable, à moi, marcheuse du dimanche !). Et j'aime beaucoup la façon dont Bernard Ollivier envisage l'acte de marcher :
« Dans cet effort quotidien, cette poussée imperceptible et forte vers un objectif si lointain, ces suées bienfaisantes, je m’élève vers le ciel, je me libère des chaînes de l’enfance, de la peur, de la raison reçue. Je brise les fils dans lesquels la société m’a ligoté, je méprise fauteuils et canapés. J’agis, je pense, je rêve, je marche, donc je vis. »
La marche, c'est l'éloge de la lenteur. On s'imprégne de l'atmosphère, du paysage, on s'assied sur un bord de rivière pour casse-crouter, on engage la conversation avec un paysan qui laboure son champs, on écoute les oiseaux et le vent dans les branches. La marche est une drogue, une activité qui libère des endorphines, plus on marche plus on a envie de marcher, parce que par la marche on atteint une forme de plénitude physique qui supprime la douleur et éloigne la fatigue.
L'aventure culturelle, à la recherche des vestiges de la Route de la Soie sera bien plus décevante. Les Turcs sont davantage tournés vers le futur que vers le passé et se préoccupent bien peu de préserver les traces de leur glorieux passé. Les caravansérails, notamment, ces auberges destinées à accueillir à la fois bêtes, hommes et marchandises, ont disparus ou sont réduits à l'état de ruines.
Mais c'est avec les gens que Bernard Ollivier va vivre ses plus beaux moments. Son choix de suivre de petites routes et de préférer les villages aux grandes villes l'oblige à quémander régulièrement l'hospitalité. Sa connaissance de la langue turque est minimale mais ne l'empêchera pas de rencontrer et découvrir toutes sortes de gens : paysans et apiculteurs, instituteurs et imams, épiciers et maires, gendarmes, ouvriers, mendiants, soldats. On découvre que pour les Turs (et pour les musulmans en général) l'hospitalité est un devoir. Et les paysans turcs sont très curieux des étrangers, adorant poser des questions et "palabrer". Partout où il passe, Bernard Ollivier est traité en héros, d'autant que son aventure parait à peine crédible à des gens qui n'ont jamis quitté leur village. Ces gens n'ont rien mais partage tout, avec une générosité qui parait tout à fait anachronique aux occidentaux que nous sommes, habitués à nous méfier de tout et surtout de l'étranger.
La situation sera bien différente quand notre marcheur parviendra dans l'est de la Turquie. C'est le pays des Kurdes qui sont en guerre contre les Turcs : les terroristes rodent et les militaires sont partout. Les paysans plus pauvres et plus méfiants, sont beaucoup moins accueillants. Bernard Ollivier va connaître quelques aventures désagréables voire périlleuses. Mais il montre bien les deux visages de la Turquie, moitié turque et moitié kurde, entre orient et occident, entre tradition et modernité...
J'ai trouvé ce récit absolument passionnant, même si ces journées de marche peuvent paraître un rien répétitives. Rêvant de ce genre de périple en solitaire, tout en m'en sachant parfaitement incapable, j'ai lu ce carnet de voyage avec avidité, comme un thriller et j'ai hâte d'en découvrir la suite.
Editions Phébus, 2000. - 320 p.