Les adieux pour Débutant - Anne Tyler
« D’une certaine façon, on dirait que mon chagrin est enfoui sous une espèce de couverture. Il est toujours là, mais ses pointes sont… émoussées, en quelque sorte. De temps à autre, je soulève la couverture, rien que pour vérifier, et là – ouille ! Des coups de poignard ! Je ne suis pas sûr que ça ira mieux un jour. »
Légèrement handicapé à la suite d’une maladie infantile, Aaron a toujours été dorloté par sa mère et par sa sœur aînée. Et Aaron a horreur que l’on s’occupe de lui. Pas étonnant, dès lors, qu’il se choisisse une épouse qui ne soit ni attentionnée, ni maternelle, ni spécialement féminine. Médecin, Dorothy consacre toute son énergie à son métier. Et puis, un jour, un accident aussi idiot qu’imprévisible, et Dorothy meurt sans préavis. Aaron doit faire face à l’absence, au chagrin, à la douleur et continuer, malgré tout, à vivre et à affronter chaque jour qui passe. Lui qui a horreur d’être l’objet de l’attention d’autrui doit subir la sollicitude de ses voisins, de ses amis, de sa famille et de ses collègues, alors qu’il aimerait se terrer dans un trou pour souffrir en silence. Jusqu’au jour où il se trouve nez à nez avec le fantôme de sa femme sur le trottoir…
Non, ce n’est pas une histoire de fantômes, mais bel et bien un roman sur le deuil, et sur la difficulté de dire adieu et de tourner la page. Tout est dit avec beaucoup de délicatesse, par petites touches, et l’on voit Aaron passer par toutes les phases de deuil : déni, culpabilité, chagrin, colère. Et le charme du roman tient en grande partie à la plume d’Anne Tyler, qui zigzague sans cesse entre émotion et cocasse, tendresse et fantaisie. Aaron est un personnage à la fois ordinaire et original, sa situation est à la fois unique et banale, la solution qu’il trouve pour s’en sortir est à la fois extravagante et vécue avec le plus grand naturel. Ce jeu de contrastes fait de cette histoire une fable universelle, délicate et émouvante, que j'ai beaucoup aimée.
Traduit de l’américain par Sylvie Schneiter.
Stock, coll. La Cosmopolite, 2014. – 212 p.