Le feu sur la montagne - Edward Abbey
Jusqu’ici, Edward Abbey était surtout pour moi un écrivain contestataire, chantre de la désobéissance civile et du terrorisme vert, qui écrivait des romans à la fois déjantés et idéologiques. Et je découvre soudain une facette complètement différente de son œuvre. Voici un roman d’Abbey qui commence comme un roman de Cormac MacCarthy…
L’Arizona : un soleil de plomb, de la poussière, quelques cactus desséchés et un ou deux vautours qui rôdent…C’est là que Billy passe tous ses étés, dans le ranch de son grand-père. Le vieil homme lutte depuis cinquante ans contre la sécheresse et tente tant bien que mal d’élever des vaches et des chevaux.
Malheureusement pour lui, son plus proche voisin veut s’agrandir et ce voisin n’est autre que l’Armée des Etats-Unis, qui exproprie ses terres pour créer un champ de tirs de missiles. Mais le vieil homme ne l’entend pas de cette oreille. Cette terre ingrate, il lui est viscéralement attaché, il la tient de son père, de son grand-père et de son arrière-grand-père « qui l’avait volée aux Indiens. » et il entend bien y passer ses derniers jours. Il va donc entrer en résistance…
Un roman sobre et poignant qui parvient à nous faire aimer même l’aridité du désert, d’autant plus touchant que l’histoire nous est racontée par un jeune garçon de dix ans, qui vénère son grand-père et porte le même attachement que lui à cette terre ingrate et à l’incroyable beauté de ses paysages. Et on devine bien que cet été au ranch sera le dernier. Edward Abbey nous livre une version far west de la lutte du pot de terre contre le pot de fer, mais il ne prend pas réellement parti sur la situation : un individu a le droit de défendre ses terres, tout autant qu’un pays a l’obligation de se préserver de ses ennemis. Ce roman est avant tout une formidable déclaration d’amour à la nature :
« Alors… L’été avança, chaud et sec et magnifique, si magnifique que ça vous brisait le cœur de le voir en sachant qu’il n’était pas éternel : cette lumière éclatante vibrant au-dessus du désert, les montagnes pourpres dérivant sur l’horizon, les houppes roses des tamaris, le ciel sauvage et solitaire, les vautours noirs qui planent au-dessus des tornades, les nuages d’orage qui s’amassent presque chaque soir en traînant derrière eux un rideau de pluie qui n’atteint que rarement la terre, la torpeur du midi, les chevaux qui se roulent dans la poussière pour sécher leur sueur et se débarrasser des mouches, les somptueuses aubes qui inondent la plaine et les montagnes d’une lumière irréelle, fantastique, sacrée, les cactus cierge qui déploient et referment leurs fleurs le temps d’une seule nuit, les rayons de lune qui tombent à l’oblique par la porte ouverte de ma chambre, dans le baraquement, la vue et le bruit de l’eau fraîche tombant goutte à goutte d’une source après une longue journée dans le désert… »
Déja lu par : Keisha
Traduit de l’américain par Jacques Mailhos.
Gallmeister, 2008. – 212 p.