Fille noire, fille blanche - Joyce Carol Oates
Rentrée littéraire 2009

Mais rien ne va se passer comme prévu. Minette se révèle prétentieuse, arrogante et égocentrique. Elle rejette tous les gestes d’amitié de Genna, qu’elle traite au mieux avec indifférence, au pire avec dédain. Alors Genna en rajoute, en fait des tonnes, et quand Minette commence à se plaindre de harcèlement racial, elle se sent doublement coupable. En deux mois, Minette a réussi à se faire détester de toutes ses camarades. Est-elle victime de racisme, objet de bizutage ou paranoïaque ?
A travers Genna, Joyce Carol Oates dénonce une certaine bonne conscience qui se voue à une grande cause pour des raisons hypocrites. Genna vacille sous le poids de la culpabilité : culpabilité des Blancs vis-à-vis des Noirs, des riches face aux pauvres, des bons élèves à côté des médiocres, des dominants face aux opprimés, et c’est beaucoup pour une jeune fille de dix-huit ans qui se sent terriblement seule. Alors que Minette a une famille très présente, chaleureuse, soudée, Genna est à moitié abandonnée par la sienne : un père toujours absent qu’elle n’a pas vu depuis des mois et une mère ancienne hippie qui s’est mal remise de ses folles années « sex, drugs and rock’n roll » et vire à l’hystérie. Ce sont ces années-là que fustige Joyce Carol Oates, en même temps qu’un radicalisme politique, prêt à tout pour faire triompher ses convictions, quel que soit le prix à payer, certain d’avoir raison et refusant de se remettre en question.
« Minette se fermerait comme une huître si Max la questionnait avec trop d’insistance. De la même façon qu’avec mes amies de lycée, il s’efforcerait de faire parler Minette de son vécu de « Noire américaine », de victime exploitée et colonisée de l’impérialisme caucasien/américain. Et cela déplairait à Minette, bien entendu. Car Minette était suprêmement elle-même.
Max serait déçu par Minette. Avec d’autres, il avait défendu les Black Panthers, Angela Davis. Minette frémissait de mépris au nom de ces « communistes ». Je ne voulais pas que mon père apprenne que Minette Swift n’avait que dédain pour le jazz et affirmait ne jamais avoir entendu chanter Billie Holliday. »
Un roman très fort et suprêmement dérangeant qui, à travers les tensions raciales aux Etats-Unis, nous renvoie en pleine face le regard que nous portons sur la différence.
Un grand merci à Amanda pour le prêt !
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Traduit de l’américain par Claude Seban
Philippe Rey, 2009. – 380 p.