Des monts célestes aux sables rouges - Ella Maillart
En 1932, Ella Maillart est à Moscou avec sa carte de presse et le désir d'aller explorer le Turkestan, cette région sauvage aux confins de l'Union Soviétique et de la Chine. Elle veut découvrir les Tien Shan, ces fameux monts célestes qui constituent l'arête nord du Pamir et culminent à plus de 7000 m d'altitude. Mais c'est moins l'exploit sportif ou le goût des beaux paysages qui la motivent que le désir d'aller à la rencontre des nomades qui peuplent la région et qu'elle sait en danger, menacés de sédentarisation par le régime communiste.
"La vie des nomades me captive. Leur instabilité m'attire, je la sens mienne comme celle des marins : ils vont, d'une escale à l'autre, partout et nulle part chez eux, chaque arrivée ne marquant somme toute qu'un nouvel appareillage."
Elle veut partager cette vie simple et rude.
"Seul un retour vers leur manière de vivre peut nous sortir de l'ornière où nous piétinons." "Apprendre à connaître la vie. Surtout, la rendre vraie en la simplifiant moralement et physiquement. Alors seulement, en goûter la saveur saine."
Elle se joint à un groupe de jeunes montagnards et la voilà partie pour le sud, au-delà de la mer d'Aral, en train d'abord, puis en camion, en bateau et enfin à cheval. Pendant des semaines, elle va vivre la vie des nomades : sur un cheval le jour, sous une yourte la nuit, se chauffant au feu de bouses séchées. Parvenue au sommet des Tien Shan, elle est tentée de passer en Chine. Mais elle n'a pas de visa et le risque est trop grand. Elle renonce, tout en se maudissant de son manque de témérité. Elle ignore qu'elle réalisera son rêve trois ans plus tard. A Alma-Ata, elle quitte ses camarades et continue seule vers l'Ouzbékistan et ce qui reste de la route de la soie : Tachkent, Samarcande et Boukhara où elle se mêle autant qu'elle le peut à la vie de la population locale, en vivant comme une vagabonde. L'arrivée de l'hiver la contraint à retourner vers Moscou à travers le terrible désert des sables rouges.
Ella Maillart ne cesse de me surprendre, autant pour son intrépidité, sa curiosité que son humanisme. Partout elle va à la rencontre des gens, quels qu'ils soient, avec simplicité et une absence totale de préjugés. Sa plume très visuelle, quasi cinématographique, nous fait vivre son aventure au plus près, dans le vent, la poussière, la fumée. N'y manque rien, pas même les puces !
Payot, 1991 (1e édition 1943). - 336 p.