Les brumes du passé - Leonardo Padura
Depuis qu’il a quitté la police, dix ans plus tôt, Mario Conde achète et vend des livres anciens. En effet, asphyxiés par le crise économique, les cubains meurent de faim et sont prêts à vendre leurs biens les plus chers (meubles, porcelaines, œuvres d’art) contre quelques dollars. C’est comme ça qu’une grande partie du patrimoine cubain quitte le pays. Mais les affaires sont difficiles : plus grand chose à acheter dans ce pays. Pourtant, un jour, le Conde se trouve nez à nez avec une bibliothèque comme en rêvent tous les bibliophiles, une bibliothèque qui dort depuis quarante-trois ans et qui contient tous les trésors de la bibliographie cubaine. Pour le Conde, c’est la richesse assurée. Mais, entre les pages de l’un de ces précieux livres, il trouve une coupure de journal avec la photo d’une très belle femme, chanteuse, qui annonce la fin de sa carrière. Hypnotisé par cette femme, l’ancien policier s’interroge : qui est-elle, pourquoi a-t-elle mis fin si brusquement à sa carrière ? quel rapport avec cette merveilleuse bibliothèque ? Mario Conde commence son enquête.
Si vous rêvez de découvrir Cuba, ses plages, sa musique, ses cigares et son rhum, ne lisez pas ce livre : vous seriez déçus ! Car c’est l’envers du décor que dévoile Leonardo Padura dans ce roman mélancolique et empreint de nostalgie. A travers le destin de Violetta del Rio, chanteuse de boléro à la voix troublante, il fait revivre une époque où Cuba chantait, dansait, insouciante et sensuelle. Dès lors, il ne cesse d’opposer le passé, riche d’espérance, au présent désespéré. La belle Violetta est morte, enterrée et oubliée : tous ceux qui l’ont connus ne sont que des cadavres ambulants, ridés, desséchés, amers, attendant la mort. Ainsi est devenue Cuba : une île en pleine déliquescence où l’on se bat pour survivre. D’un côté, les quinquagénaires comme Mario Condé qui ont cru à la révolution, à la promesse d’un monde nouveau, qui n’arrivent pas à digérer la ruine de leurs rêves et qui noient leur désillusion dans le rhum ; de l’autre, les jeunes qui ne croient en rien d’autre qu’au dieu dollar et sont prêts à tout pour obtenir les précieux billets verts.
Un très beau roman, amer, mais non dénué d’espoir : dans l’amitié et dans les livres, on trouve toujours son bonheur.
Traduit de l’espagnol (Cuba) par Elena Zayas.
Editions Métalié, 2006. – 348 p.