Angosta - Hector Abad Faciolince

Grâce à Hector Abad Faciolince j'ai appris un nouveau mot : dystopie ou contre-utopie. Si l'utopie est le rêve d'un idéal, la dystopie est la vision d'un cauchemar. Angosta est une ville dystopique.
"Excepté le climat, qui est parfait, tout est horrible à Angosta. Ce pourrait être le paradis, mais c'est devenu un enfer."
Dans un mélange de réalisme et d'humour, l'auteur nous montre une métaphore de ce qu'est la Colombie d'aujourd'hui (on y trouve des guerilleros, des paramilitaires et des mafieux), mais surtout une métaphore de ce que notre monde est en train de devenir, un monde où les riches se protègent en s'enfermant derrière des murs, un monde où la révolte porte le nom de terrorisme, un monde où la violence ne peut que croître puisque l'égoïsme des uns entraînent la colère et la frustration des autres, un monde qui se construit sur une logique d'exclusion.
"Quand la vie, la survie, entrent en jeu, il est naturel de se déplacer, de fuir, de chercher à s'installer n'importe où ailleurs, même dans un poulailler étroit et puant. Et l'attentat contre la liberté ne consiste pas seulement à t'interdire de sortir (comme le faisaient les dictateurs d'antan : Staline, Mao, Castro, Kim Il-sung), mais au fait qu'ils ne te laissent pas entrer, comme le font les puissances d'aujourd'hui, les dictateurs nationalistes d'aujourd'hui, hermétiquement enfermés dans leurs châteaux et forteresses, où ils jouissent, avec tout l'égoïsme dont ils sont capables, de leurs énormes richesses, sachant que les restes de leurs banquets suffiraient à beaucoup pour être heureux."
En arpentant les rues d'Angosta avec les héros de ce roman, on pense à la fois à la Palestine, au Mexique, aux afghans qui tentent désespérément de passer en Angleterre, on pense à toutes ces lois qui grignotent nos libertés sous prétexte de nous protéger, on pense à toutes ces images et à tous ces discours qui essaient d'attiser nos peurs. Malheureusement, ça fait beaucoup pour un seul roman dont le plus gros défaut, à mon avis, est de négliger l'aspect narratif au profit de l'aspect démonstratif. Et malgré quelques éclairs de génie (comme de nous présenter tous les personnages dans des notes de bas de pages), et malgré mon intérêt pour ces thématiques, ce roman s'est révélé assez ennuyeux.

Traduction de l'espagnol (Colombie) par Anne Proenza.
Editions Jean-Claude Lattès, 2010. - 354 p.