Une trop bruyante solitude - Bohumil Hrabal
Depuis trente-cinq ans, Hanta travaille dans une presse. Son boulot : écraser de vieux papiers, de vieux journaux et des livres, livres invendus ou livres interdits. Nous sommes à Prague, sous le régime communiste. Pour Hanta, autodidacte, qui a tout appris dans les livres, les détruire est un crève-cœur. Alors, chaque fois qu’il peut, il en sauve quelques-uns, sauvetage dérisoire et désespéré : une goutte d’eau dans l’océan des livres à détruire. Et il boit, et il philosophe, et il nous enchante.
L’écriture de Hrabal ruisselle comme une cascade : on commence une phrase et on est emporté jusqu’au bout de l’histoire… En chemin, on aura visité la cave où Hanta presse de vieux papiers en buvant de la bière, son appartement où les livres s’entassent au risque de l’écraser à son tour, le jardin de son oncle où tourne une vieille locomotive. Le style passe sans prévenir du mode le plus trivial au mode poétique, voire philosophique. Hanta écrase des souris, chasse les mouches en lisant Kant, en admirant le ciel étoilé et en voyant apparaître (sous l’effet de la bière) Lao-Tseu et Jésus.
Une trop bruyante solitude n’est rien d’autre que la longue méditation d’un vieil ouvrier qui s’interroge sur la disparition d’une certaine culture et voit venir la fin de son monde.
Traduit du tchèque par Max Keller.
Edition Points, 1997 - 126 pages