Danseur - Colum McCann
Je crois que ce roman m'a déçue parce que l'espérais une vraie biographie de Noureïev, alors qu'il s'agit de tout autre chose : un roman autour de la figure de Noureïev.
La première partie (1941-1961) est racontée de différents points de vue : une employée de l'hôpital où le jeune Noureïev danse avec un groupe folklorique pour les soldats ; le mari du professeur de danse de Noureïev qui l'initie à la danse classique ; puis la fille du professeur qui l'héberge quand il arrive à Leningrad. Tous ces récits dessinent un tableau de l'union soviétique de l'après guerre et du stalinisme et tracent une galerie de portraits : le père de Noureïev, communiste convaincu, le professeur de danse et son mari, exilés au fin fond de la Russie pour une faute que nous connaîtrons jamais, leur fille, une intellectuelle de la ville, mal mariée. Tout cela est très intéressant mais l'essentiel ne nous est pas révélé. Pourtant quel destin que cet celui de cet enfant ! Fils d'ouvrier, il se met à danser et se prend de passion pour la danse au point de préférer se laisser battre par son père plutôt que de renoncer. Comment un tel talent est-il né dans une province si reculée ? Mystère. On sent à travers les différents récits de ceux qui le côtoient que cet enfant est volontaire, mais on voudrait découvrir sa passion de son point de vue. Et tout ce que nous voyons c'est une personnalité qui devient de plus en plus antipathique en grandissant : narcissique, égoïste, arrogant, vulgaire, inculte, méprisant, infidèle, …
La deuxième partie (1961-1971) commence quand Noureïev est passé à l'Ouest. Cette fois c'est lui qui raconte, ou plutôt qui livre ses réflexions, à travers ses notes, comme un journal intime, parfois un peu incompréhensible. C'est très vite la célébrité et les spectacles partout dans le monde. Les noms de célébrité défilent aussi vite que les lieux visités : Paris, Milan, New-York, Londres. Mais on sent comme un malentendu entre Noureïev et son public. Certes tout le monde admire son immense talent, mais on veut faire de lui un héros politique qui a fui l'union soviétique pour trouver la liberté. Or ce n'est pas le cas. On ne sait pas très bien d'ailleurs quelles sont les raisons qui l'ont poussé à prendre ce risque, mais c'est clair que ce ne sont pas des raisons politiques et il s'amuse du rôle qu'on veut lui faire jouer, le refusant le plus souvent. Et à travers ses notes, on perçoit parfois les failles du personnage, car Noureïev joue sans cesse un personnage : « l’impression constante d’être un imposteur », « je fais de l’esbroufe pour masquer mon angoisse, y compris sur scène ».
Mais c’est la dernière partie qui m’a le plus émue : en 1987, Noureïev, déjà malade (il mourra du SIDA en 1993), obtient enfin l’autorisation de retourner en URSS pour voir sa famille. J’ai trouvé que c’était seulement dans cette partie de l’histoire que le danseur atteignait une dimension humaine.
Traduit de l'américain par Jean-Luc Piningre.
10/18 - 2005 - 409 p.