Le matrimoine - Hervé Bazin
Autopsie d’un mariage dans les années cinquante.

Angers, 1953 : Abel Bretaudeau vient d’épouser Mariette Guimarch. Alors que Mariette s’empresse d’élaborer le mythe qui préside à tout mariage, Abel, plus pragmatique, sait bien que s’il a épousé cette charmante jeune fille, qu’il connaît depuis des années, c’est certes qu’il en est amoureux, mais surtout que le nombre de jeune filles épousables dans cette petite ville de province était bien limité. Nous sommes dans les années cinquante et le mariage est à la fois un passage obligé pour les hommes et la seule carrière envisageable pour les jeunes filles de bonne famille. Avec un œil aussi aiguisé qu’un scalpel de chirurgien Abel va décortiquer son mariage pendant les quinze années suivantes avec un esprit souvent très cynique.
Je n’avais pas relu Hervé Bazin depuis une trentaine d’années et c’est un réel plaisir de retrouver son style très classique et sa plume acérée. Son constat est simple est cruel : si le mariage est un attelage à deux, c’est bien la femme qui tient les rênes. Dès les premières semaines de sa vie maritale, Abel Bretaudeau se voie envahi par sa nombreuse belle-famille. Sous les doigts de sa femme, sa maison va se transformer : nouveaux rideaux, nouveaux meubles. Son espace privé va se réduire comme peau de chagrin, tout comme son agenda va être sévèrement surveillé : que fais-tu ? où ? avec qui ? Son compte en banque se vide au fur et à mesure que la maison se remplit. Le premier enfant est attendu avec joie et effervescence, le second avec sérénité, le troisième avec embarras. Et c’est bien sur sa femme que repose tout le poids de la maisonnée, Abel le reconnaît. Tout en regrettant que chez Mariette la mère ait chassé l’épouse. Dans ce couple, il y aura des hauts et il y aura des bas. Mais un même chemin.
Ce roman qui raconte la vie intime de la génération qui nous a précédée peut paraître un rien démodé. Mais il nous permet aussi de mesurer combien la vie des femmes a changé en cinquante ans, combien le travail et la contraception ont libéré la femme. Mais que la vie de couple est encore et toujours une aventure.
Le livre de Poche, 1974. – 446 p.