La traversée du désert - Isabelle Jarry
Rentrée littéraire 2008
Après des études scientifiques peu concluantes, Ariane est devenue photographe. C’est dans le cadre de cette activité qu’elle rencontre Gabriel Barthomieux, célèbre botaniste passionné par le désert. Une amitié se crée entre le vieil homme et la jeune femme. Le vieux scientifique propose à plusieurs reprises à sa jeune amie de participer à l’une de ses expéditions à pied dans le désert. C’est au cours de l’un de ces voyages qu’il évoque pour la première fois la figure d’Alexander Laing, jeune explorateur écossais qui découvrit Tombouctou en 1826 mais n’en revint jamais. Gabriel parvient à convaincre Ariane que cette histoire contient tous les ingrédients pour devenir un roman : aventure, trahison, amour et violence. Ariane réunit toute la documentation mais ne parvient jamais à écrire l’histoire qui pourtant l’obsède.
Des années plus tard, bien après la mort de Gabriel, Ariane reçoit la visite d’un historien qui désire l’interroger sur le botaniste du désert. Ce n’est qu’à cette occasion qu’elle va comprendre ce que cache, au fond, l’histoire d’Alexandre Laing.
Ce roman, visiblement écrit en hommage à Théodore Monod dont Isabelle Jarry fut la biographe, se présente comme une série de cercles concentriques qui racontent chacun une histoire sur le même thème : la confrontation de l’être humain à la beauté aride du désert. Et au cœur de chacune de ces histoires se trouve ce qui est le moteur de chaque vie humaine : l’amour. Le titre est à double sens et l’histoire est métaphorique, le désert y devient cet espace vide et glacé que connaît chaque être humain privé d’amour.
L’histoire est racontée à travers plusieurs périodes de la vie d’Ariane, présentées dans le désordre, pour finalement se rejoindre en un même point. C’est un très beau texte, longue réflexion sur le désert et sur les relations humaines, mais aussi magnifique aventure d’une amitié qui transcende l’âge.
« Je regrettais qu’il ne fût plus là pour me proposer, au détour d’une conversation et d’une tasse de thé, de l’accompagner dans son prochain voyage, au Tibesti, en Mauritanie, dans l’Ahnet, au désert libyque, dans l’erg Chech, au Touat, au cratère de Mahla, dans l’Aïr, n’importe où, pourvu qu’on quittât le quotidien si pesant et si monotone, qu’on s’échappât en plein hiver, pendant les longs mois sans lumière et sans joie, pourvu qu’on ressuscitât, le temps d’un voyage, l’illusion de pouvoir vivre loin du monde, en dehors de toute contrainte, avec pour seuls compagnons un duvet et une outre d’eau, un sac de riz et trois bons livres, et la sensation enivrante d’être pris en sandwich entre ciel et terre, à des années-lumière du grouillement humain, enfin libérés des autres et de nous-mêmes. »
La fin est étonnante qui nous montre que le nouveau désert se trouve dans les espaces virtuels où nous nous perdons souvent vainement, dans des relations désincarnées.
Thom pense que c'est un chef d'oeuvre, Laurent est plus réservé.
Stock, 2008. – 233 p.