La traversée du Mozambique par temps calme - Patrice Pluyette
Rentrée littéraire 2008

Les phrases de Patrice Pluyette sont traîtresses : elles commencent généralement de manière tout à fait banale, mais de digressions diverses en associations variées, elles atterrissent le plus souvent dans un grand n’importe quoi où la seule règle semble être de faire chanter la langue et d’entraîner le lecteur dans le dernier endroit où il s’attendrait à aller, ne reculant devant aucun anachronisme ni élipse temporelle. On ne s’étonnera donc pas que les voyageurs au lieu d’accoster en Amérique du Sud ne se retrouvent sur la banquise du grand nord. Patrice Pluyette passe ainsi son temps à détourne à plaisir tous les codes du roman d’aventure et toutes les règles du roman en général, faisant apparaître et disparaître des personnages au gré de son bon vouloir sans que personne ne s’étonne. Et quand les personnages se retrouvent dans une situation apparemment sans issue, l’auteur s’en sort par une pirouette qui sous la plume d’un autre m’aurait sans doute fait hurler. Mais tout passe avec Pluyette parce qu’on ne peut qu’admirer l’inventivité de sa plume. Et il en appelle à tout moment au droit souverain de l’auteur, à savoir : faire ce qu’il veut de l’histoire et des personnages.
« Tout brille dans la forêt en cet instant. Les yeux aussi, du reflet de l’eau, et d’excitation. Car les troupes croient que le terme du voyage est proche. L’issue facile. On remonte le fleuve et on trouve Païtiti. Youpi. Criez victoire si vous voulez, serrez-vous dans les bras, plongez sous les bulles du fleuve sans craindre les gardes en peau de croco, mais cinquante bons kilomètres attendent les jambes, c’est l’auteur qui vous le dit. Remonter le fleuve signifie marcher vingt jours à raison de deux kilomètres cinq par jour, et la nuit va bientôt tomber, un lieu de camp doit être trouvé. Pour être en forme une bonne nuit est préférable, couchez-vous tôt, les conditions de marche ne vont pas tarder à se dégrader, le plus dur est à venir. Maintenant, chers personnages, vous faites comme vous voulez, je ne voulais pas plomber l’ambiance, mais au moins les choses sont dites. »
Vous aurez compris que je me suis régalée à la lecture de ce roman du troisième type, dont la fin m’a fait hurler de rire tant elle démonte le mythe de la chasse au trésor. Il n’aurait cependant pas fallu que l’aventure textuelle dure beaucoup plus longtemps, j’aurais sans doute fini par attraper le mal de mer !
Seuil, 2008. – 317 p.