Des maisons, des mystères - Germaine Beaumont

Dans La Harpe irlandaise, deux cousines tombent en panne de voiture alors qu’elles se rendent dans la maison de campagne de l’une d’elles. Tandis que Flore, la pragmatique, s’occupe de trouver un garagiste, Laura, la rêveuse, est la proie de sensations irrationnelles qui lui font voir son défunt mari et se sentir étrangement attirée par un grand arbre. Elle découvre ainsi une maison à vendre. L’auteure nous plonge alors dans une atmosphère semi fantastique : un livre choisi au hasard dans une bibliothèque, quelques mots soulignés, une boite de peinture achetée chez un antiquaire, un bouquet de petits signes ramènent inexorablement Laura à cette maison, et vont la forcer à fouiller le passé.
Les Clefs démarre sur le même motif : une panne de voiture, un garage, une affiche proposant une maison à vendre. Et voilà comment Frédérique Marshall achète une maison qu’elle n’a jamais vue dans une ville où elle ne connaît personne. Ce qui ne manque pas d’attirer l’attention et de déchaîner la curiosité de ses voisins, les Chauvel. On ne peut s’empêcher à la lecture de cette histoire, de penser à Rébecca de Daphné de Maurier, tant la tension psychologique est intense et monte en crescendo jusqu’à l’insoutenable. Mais il y a aussi du Balzac et du Maupassant dans cette description au vitriol d’une province étriquée et d’une famille avare, avide et cupide.
Enfin, dans Agnès de rien, une jeune femme débarque dans la famille de son mari, qu’elle ne connaît pas. Dans une grande maison isolée et vaguement délabrée règne un étrange silence qui couvre quels mystères ?
Dans chacune de ces histoires délicieusement démodées, une vieille demeure joue le premier rôle. Quant aux mystères, ce sont bien souvent des secrets de famille, des drames enfouis, des mensonges noyés dans la poussière et sous les toiles d’araignée. Ce sont toujours des femmes qui enquêtent, fortes ou fragiles, souvent seules et abandonnés, puisque les hommes chez Germaine Beaumont ne sont souvent que des fantômes falots, lâches, menteurs et infidèles. On y trouve des mères aussi, malades souvent, protégées par leurs filles, voire maintenues à l’écart de la réalité du monde. Germaine Beaumont a une plume de peintre, capable de décrire avec une précision clinique, et pourtant toute poétique, une buisson de roses en deux pages. Et on trouve dans son œuvre des références aux auteurs anglais qui ont été ses premiers maîtres : poussière à la Dickens, tempêtes à la Brontë, analyse psychologique à la Virginia Woolf. Pas de meurtres, donc, ni de sang mais des frissons garantis. Une très agréable découverte.
Elles l'ont lu : Florinette - Sylvie - Lily - Gachucha - Clarabel
Omnibus, 2006. – 831 p