Auprès de moi toujours - Kazuo Ishiguro

Kathy, Ruth et Tommy ont grandi à l’Institut Hailsham, étrange pensionnat perdu dans la campagne anglaise, où on leur a appris à considérer leur vie comme très précieuse. Dix ans plus tard, Kathy revisite son enfance heureuse et analyse l’impact qu’elle a eu sur sa vie d’adulte.
C’est un roman d’anticipation que nous offre ici Kazuo Ishiguro et c’est un peu déstabilisant au début, car il nous plonge dans un monde déroutant dont nous ne connaissons ni les codes ni le langage. Pendant un tiers du roman, on ne comprend rien à ce qui se passe, mais on persiste parce qu’on s’attache à ces trois ados. Kazuo Ishiguro pratique une esthétique du dévoilement progressif, distillant ses indices au compte-gouttes et ferrant son lecteur à son hameçon…
Ce qui intéresse Kazuo Ishiguro au premier chef ce sont les relations humaines, et notamment cette ambiguïté qui existe souvent entre hommes et femmes, quand le sentiment oscille entre désire et amitié. Il met toujours en avant l’analyse psychologique, le décorticage minutieux, voire obsessionnel, des sentiments à travers le prisme du souvenir.
Dans ce roman d’anticipation j’ai surtout vu une subtile allégoriede la vie humaine, entièrement soumise au destin (dieux, savants ou politiciens : qu’importe, au fond, il y a toujours quelqu’un qui tire les ficelles), où seul l’amour peut éloigner l’idée de la mort. Mais cet amour est destiné à rester espoir, fantasme ou rêve enfui.
C’est finalement une vision assez noire du monde que met en scène Kazuo Ishiguro, puisque la fin révèle que l’art, la culture et l’éducation, loin de nous protéger contre les vicissitudes de l’existence ne font au contraire que nous rendre plus sensibles à la cruauté du monde.
Tous les liens vers d'autres avis sont chez Joelle.
Traduit de l’anglais par Anne Rabinovitch.
Editions des Deux terres, 2006. – 441 p.