Howards End - Edward-Morgan Forster
Me voici donc à nouveau dans l’univers d’ E.M. Forster, grâce à la générosité d’InColdBlog. Howards End est un roman bien plus complexe que Avec vue sur l’Arno, voire plus politique car il met en scène l’opposition de deux visions du monde.
D’un côté, les sœurs Schlegel, mi-anglaises, mi-allemandes, qui, ayant perdu leurs parents fort jeunes, se sont élevées toutes seules. Disposant de revenus confortables, elles sont indépendantes et libres. Elles aiment l’art, la littérature, défendent un certaine forme de culture et appartiennent à un club de discussion féminin. Eussent-elles vécu au XXIè siècle qu’on les eût qualifiées de « bobos ». De l’autre côté, les Wilcox, rencontrés au cours d’un voyage, riches bourgeois attachés à leurs privilèges et au pouvoir que leur procure leur fortune, purs produits de cette Angleterre qui s’est bâti un empire colonial grâce à son esprit d’entreprise et en a gardé une certaine arrogance. Les sœurs Schlegel incarnent la modernité, et les Wilcox les traditions.
Un baiser imprudemment échangé entre Helen Schlegel et Paul Wilcox (dans une époque où un baiser vaut engagement matrimonial) va très vite mettre en évidence les différences de points de vue entre les deux familles. Mais ces différences vont se cristalliser sur Howards End, vieille maison de campagne qui appartient à la famille de Mrs Wilcox depuis des générations, charmante demeure vieillotte, inconfortable et rustique. Pour Margaret et Helen, cette maison est un lieu poétique et romanesque, pour les Wilcox c’est un bien immobilier, source d’inconfort et de soucis.
Mais les convictions des sœurs Schlegel vont se révéler tout aussi simplistes que celle des Wilcox et c’est le pauvre Leonard Bats qui en fera les frais. Modeste employé de bureau, il croise par hasard la route des deux sœurs, qui auront à cœur de l’aider pour mettre en pratique l’une de leurs théories : il appartient aux classes supérieures d’éclairer les classes inférieures. Malheureusement le remède sera pire que le mal et la vie du pauvre Leonard va s’enfoncer dans le chaos. Personne n’a raison et personne n’a tort dans cette histoire. L’avenir ne peut être lié qu’à un compromis entre le monde de l’esprit et celui de l’argent, entre la modernité et les traditions, entre la raison (Margaret) et les sentiments (Helen).
Un roman passionnant, même si on s’y ennuie parfois, quand l’auteur se lance dans une envolée lyrique ou philosophique. Mais s’ennuyer en compagnie d’E.M. Forster, c’est encore bien agréable…
L'avis de Lilly.
Tout sur EM Forster chez ICB.
Traduit de l’anglais par Charles Mauron.
10/18, 1982. – 383 p.