Le Général du Roi - Daphné Du Maurier
Après avoir vu et aimé le téléfilm de Nina Companeez, Le Général du Roi1, adapté (très joliment, je trouve) du roman éponyme de Daphne Du Maurier, j’ai eu furieusement envie de re-re-relire le livre. Daphne Du Maurier fut un de mes amours de jeunesse et son œuvre a donc survécu au grand désherbage qu’a subi ma bibliothèque l’an dernier.
Daphné Du Maurier, qui n’est plus très lue aujourd’hui, fut très célèbre dans les années cinquante et soixante, et s’est essayé à toutes les formes du roman : historique, sentimental, psychologique, fantastique, avec une prédilection pour les paysages de Cornouailles. Le Général du Roi, que Nina Companeez a transposé dans la Vendée des Chouans, se déroule en fait au XVIIe siècle et évoque un personnage historique : Sir Richard Grenvile, héros de ce que les anglais appellent la première Guerre Civile.
Honor Harris a dix-huit ans la première fois qu’elle rencontre Richard Grenvile. Elle est la dernière née d’une famille de la petite noblesse de Cornouailles, enfant gâtée, impertinente et intrépide. Il a dix ans de plus, est le frère de sa belle-sœur (beauté cupide et méchante qu’elle déteste), est officier de marine, arrogant et prétentieux, fougueux et généreux. Entre eux deux, ça fait tout de suite des étincelles… Ils sont du même bois, de celui qui fait les brasiers. Mais le mariage n’aura pas lieu. Victime d’un accident de cheval, Honor perd l’usage de ses jambes, et doit renoncer à son bel amour qui retourne sur les mers.
Quinze ans plus tard, le Parlement de Whitehall se révolte contre le Roi et c’est la guerre civile. Toute la Cornouailles prend les armes derrière Charles 1er. Richard Grenvile, revenu de ses pérégrinations maritimes, se joint à l’armée royaliste, après avoir, avec panache, roulé dans la farine le Parlement. Nommé Général du Roi dans l’ouest, sa route ne va pas tarder à croiser à nouveau celle d’Honor Harris. Sous les cendres, la vieille passion se ranime, d’autant plus ardente dans le contexte périlleux de la guerre, qui exalte les émotions, décale les codes et donne un sentiment d’urgence à vivre.
Roman d’amour et d’aventures, Le Général du Roi est avant tout un roman sur la guerre, écrit en 1945 par une femme elle-même mariée à un soldat. Elle nous y montre la guerre vue par les femmes. Une guerre omniprésente, mais toujours en coulisses : rumeurs de bataille, son du canon, fumée d’incendies. Pendant ce temps, les femmes gardent la maison, nourrissent les enfants, subissent l’occupant, cachent les fuyards, pansent les plaies. Et quelle femme que cette Honor Harris ! Quel beau modèle de femme libre qui, malgré son fauteuil roulant, court les routes de Cornouailles derrière son Richard, au mépris des conventions, des intempéries et de la soldatesque, amante et confidente, protectrice et complice, belle et lucide, la seule à oser affronter celui que tout le monde craint et redoute. Car c’est aussi un formidable personnage que ce Richard Grenvile, joueur et hâbleur, flamboyant et séducteur, rude et sans pitié, sans peur mais non sans reproches, loyal jusqu'au bout.
Il y a dans cette histoire quelque chose de beau, de poignant et de tragique, parce qu'il y est question d'une guerre civile, toujours terrible, car on y voit des voisins de toujours devenir des ennemis. Et l'auteur tisse un parallèle du début à la fin, entre l’amour qui unit Honor et Richard, et la haine qui oppose les partisans du Parlement à ceux du Roi. Cet amour, qui a survécu à une tragédie, en porte la cicatrice et on sait dès le début que ces deux-là n’étaient pas faits pour le confort du foyer et la paix conjugale. Leur amour aura le même destin que la résistance royaliste. Mais ils forment un couple inoubliable : ombre et lumière, violence et douceur, fureur et patience, action et réflexion, tourbillons et silence.
Je me suis régalée de cette énième lecture comme de la première, tant ce roman passionné et tumultueux contient tous les ingrédients qui font qu’une histoire vous emporte.
Traduit de l’anglais par Henti Thiès.
Editions Phébus, 1995 (1e éd.1947). - 362 p.
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1que l'on peut encore voir jusqu'à vendredi 10/01 sur pluzz.