Kaige Chen - Une jeunesse chinoise

Publié le par Papillon

Ce livre est l’autobiographie de Kaige Chen, auteur du film Adieu ma concubine (Palme d’or à Cannes en 1993). L’auteur y raconte une partie de sa jeunesse. Il s’agit d’une période marquante de sa vie qui a coïncidé avec la Révolution culturelle (1966-7976).

En 1965, Chen a treize ans, il est lycéen, fils d’intellectuels : son père est cinéaste et sa mère scénariste. La République populaire chinoise a seize ans et Mao a créé autour de sa personne un incroyable culte de la personnalité. Manipulés par lui, des étudiants vont se regrouper en milices : les Gardes rouges et décider que tous les intellectuels sont dangereux pour le régime. Les intellectuels vont donc être systématiquement soupçonnés, battus, emprisonnés, perquisitionnés, conduits à la folie ou à la mort. Tout ce qui a trait à la culture ou à la religion va être interdit ou détruit. Puis, en 1969, Mao va commencer à craindre la puissance potentielle que représente ces groupuscules étudiants et décider que tous les « jeunes instruits » doivent être envoyés dans les campagnes pour y être rééduqués. Chen, après avoir vu ses parents anéantis par le régime, fera partie de ces jeunes que l’on a envoyé dans les campagnes pour y travailler comme des forcenés et parfois y mourir.

Cette autobiographie est en fait un prétexte : le vrai but de l’auteur est de dénoncer ce que fut le régime maoïste en général et la Révolution culturelle en particulier. C’est un virulent pamphlet contre Mao. L’auteur montre que celui-ci n’a jamais eu de réel projet de société : « Au fond, pour Mao, la tentation du paradis communiste était la tentation de se faire un nom immortel ». Il explique également que Mao, n’ayant pu terminer ses études secondaires, en est venu à détester tous les intellectuels. Il accumule les anecdotes atroces pour montrer ce que furent les exactions menées pendant la Révolution culturelle. Il évoque en particulier la mort de l’écrivain Lao She qui, bien qu’ayant toujours soutenu le régime communiste, a été poussé au suicide en 1966.

Mais ce récit est aussi l’occasion d’une confession pour l’auteur et d’une tentative d’autojustification : il a approuvé la Révolution culturelle à ses débuts et a même publiquement désavoué son père qui n’avait pu entrer au Parti Communiste car il avait un « problème politique ». Comme tous les camarades de sa génération, Chen s’est laissé manipuler par les idées de Mao, en tout cas dans un premier temps : « Pour ma génération, Mao était une part naturelle de notre existence. L’amour que nous avions pour lui était une habitude, plutôt qu’un sentiment ». Ce livre soulève un tas de questions intéressantes sur la manipulation des masses par le pouvoir politique ; sur le goût du pouvoir poussé à l’excès et il nous dévoile, de l’intérieur, une période bien noire de l’histoire de la Chine contemporaine. Mais c'est bien dommage que l'auteur garde une telle distance par rapport aux évènements qu'il raconte. Du coup, j’ai lu ce livre avec beaucoup d’intérêt , mais sans aucune émotion.


Traduit du chinois par Christine Corniot.
Picquier Poche, 2001 - 203 p.

 
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