L'avenir de l'eau - Erik Orsenna
Petit précis de mondialisation II
Rentrée littéraire 2008
Il y a quelque années, dans Voyage au pays du coton, Erik Orsenna tentait de nous expliquer la mondialisation à travers un produit de grande consommation : le coton. Il récidive aujourd’hui avec un élément bien plus indispensable et stratégique : l’eau. Car si, pour nous, heureux habitants d’un pays riche, aucun geste n’est plus naturel que d’ouvrir un robinet pour en voir couler une eau fraîche et limpide, ce geste relève du mirage pour la moitié de la population humaine qui dispose au mieux d’une eau polluée, au pire de pas d’eau du tout. Pourquoi ? Et comment le réchauffement climatique va-t-il dramatiser cette situation ?
L’être humain est constitué à plus de 50% d’eau et aucune forme de vie n’est possible sans eau. Mais l’être humain se trouve dans une situation très paradoxale : si la planète qu’il habite est recouverte à 75% d’eau, la plus grande partie de cette eau est impropre à la consommation :
« Water, water everywhere and not a drop to drink… » (Coleridge)
Pour comprendre et nous expliquer les enjeux politiques, économiques et écologiques de l’eau, Erik Orsenna a donc entrepris un tour du monde de deux ans, interrogeant tous les acteurs de la distribution de l’eau : politiques, scientifiques, ONG, agriculteurs, consommateurs.
Le résultat est un livre passionnant, riche en anecdotes et en découvertes, qui se lit comme un roman. Certes, la scientifique que je suis a trouvé l’ensemble un peu brouillon et diffus. Un plan du style « Production / traitement / distribution » ou « Zones arides / zones humides » n’aurait sans doute pas nui à la clarté de l’ensemble. Mais reconnaissons une grande qualité à Erik Orsenna : son talent de conteur qui transforme cette petite molécule en un personnage avec une grosse tête et deux pieds : H20. Et si Erik Orsenna a choisi de faire une exposé résolument géographique, nous baladant de l’Australie à la Chine, de l’Inde à Israël, et du Maroc au Tchad, c’est tout simplement parce qu’on ne peut pas comprendre le problème de l’eau sans connaître la géographie, car l’eau est avant tout un phénomène local. L’eau a ceci de particulier qu’elle est très mal répartie sur le globe : sécheresse d’un côté, inondations de l’autre. A problème local, solution locale, car l’eau étant lourde et fragile, est assez difficile à transporter, d’où obligation pour les voisins de s’entendre sur le partage, et risque de conflit si le dérèglement climatique accentue encore les disparités.
Difficile de résumer un bouquin aussi foisonnant qui aborde autant les aspects économiques du traitement et de la distribution de l’eau que ses aspects technologiques (vive le lombric et le filet à brouillard) ou politiques (public ou privé ?), le tout dans un style limpide, plein d’humour, riche en digressions poétiques, vagabondes ou gourmandes (une mention spéciale à la petite pause œnologique page 335…)
A consommer sans modération.
Un grand merci à Julia Roubaud de Bonnie and Clyde qui me l'a fait parvenir.
L'avis de Fashion, et celui de Laurence.
Fayard, 2008. – 400 p.