Youth - Paolo Sorrentino

Publié le par Papillon

"Tu dis que les émotions sont surestimées. Mais c'est des conneries. Les émotions, c'est tout ce qui nous reste."

Il y avait longtemps que je n'avais pas fait de billet ciné, mais le dernier film de Paolo Sorrentino est tellement sublime qu'il fallait absolument que je vous en parle. J'aime beaucoup Sorrentino depuis This must be the place et j'avais adoré La Grande Bellezza, qui était pour moi le meilleur film de 2013. Youth est dans la même veine. [Donc, si vous n'avez pas aimé La Grande Bellezza, abstenez-vous ; si vous avez aimé, précipitez-vous !]

 

Deux vieux amis (dans tous les sens du terme : quatre-vingt ans chacun, soixante ans qu'ils se connaissent) séjournent dans un grand hôtel des montagnes suisses. Fred, compositeur anglais en retraite (Michael Caine), est là avec sa fille pour se reposer et faire un bilan de santé ; Mike, réalisateur américain (Harvey Keitel), est là avec son équipe pour finaliser le scénario de son prochain film. Dans cet hôtel, il y aussi un acteur qui prépare un rôle, un ancien footballeur un peu ravagé, un petit garçon qui apprend le violon, une petite fille qui ronge ses ongles, un moine qui médite (!), une très belle Miss Univers, un couple qui ne se parle plus… Tous ces gens se croisent, bavardent, se promènent et nous offrent un résumé de ce qu'est la vie, et de ce qu'il en reste quand le temps passe.

 

"Tous ces efforts que l'on fait, dans la vie, pour un résultat aussi insignifiant."

 

Et tout est magnifique dans ce film : les acteurs, bien sûr, mais aussi la musique, les images, les dialogues. Rien en trop, rien qui manque. Pas vraiment d'histoire, mais une vraie écriture. Il est beaucoup question de la vieillesse et du temps qui s'enfuie, des souvenirs qui s'effacent ou se métamorphosent, mais aussi de la beauté, de la peur, de l'absence, de l'incompréhension entre parents et enfants, de la vérité qui sort de la bouche des enfants, de l'amour qui dure ou pas, mais reste un mystère et surgit parfois là où on ne l'attend pas. Il est surtout question de création : que reste-t-il du travail d'un artiste dans la mémoire collective, à quel moment doit-on s'arrêter de créer, se rend-on compte que l'on fait plus rien de bon ?

 

"On ne peut pas raconter l'horreur et le désir. J'ai choisi le désir."

 

C'est comme ça que Sorrentino filme : avec du désir. Son film est tantôt drôle et tantôt grave, mais bourré de moments de grâce : un concert inattendu dans les alpages, un jeune masseuse affublée d'un appareil dentaire qui danse seule devant sa fenêtre, un moine qui lévite, des gens dans l'eau, une femme qui chante, des gestes, des regards,... La dernière scène est tellement belle, tellement émouvante, tellement chargée de sens que j'en avais les larmes aux yeux.

 

Un film merveilleux qui vous réconcilie avec l'idée de devenir vieux, moche et ridé, parce que la vie c'est quand même bien autre chose que ça. Exactement ce dont j'avais besoin à quelques jours de mon anniversaire, ce jour horrifique entre tous. Je pense que je vais m'offrir ce film une deuxième fois en guise de cadeau, tellement il fait du bien à l'âme et au cœur.

 

"Parfois la légèreté est une tentation irrésistible.

(…) Et parfois, c'est une perversion."

 

Publié dans Cinéma

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K
ET voilà, il ne passe plus (enfin, c'est à vérifier quand même) et tu me donnes très envie de le voir !
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P
Oh oui vérifie bien, il faut vraiment le voir, ce film !
M
La bande-annonce m'a fait envie, et toi encore plus ! Bien que nous ne soyons pas toujours d'accord ;-) mais ça fait partie du jeu...
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P
Les critiques du Masque l'ont détesté, ce film. Ca qui me sidère, mais bon, moi je ne suis pas critique :-)
L
Il est très beau ton billet, j'ai adoré ce film aussi, ça me fait plaisir de lire ce bel avis :-)
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P
Merci Laure, j'espère que je vais donner envie à plein de gens d'aller le voir !
C
L'affiche et les extraits me font craindre l'aspect "libidineux" de ce film ...
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P
Je te rassure : il n'y a absolument rien de libidineux dans ce film/ L'affiche n'est pas du tout représentative.
A
Je n'étais pas très tentée, mais tu vas peut-être me faire changer d'avis. Et pour ton anniversaire, attends d'être centenaire pour parler "d'horrifique" !!
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P
Je suis ceratine que tu aimerais.<br /> (quand je serai centenaire, j'espère que je serai dans ma tombe !)