Temps glaciaires - Fred Vargas
"Comment veux-tu que l'on s'éloigne de quelque chose quand on ne sait pas où on est ?"
Sans un petit graffiti sur le mur de la salle de bains, le commissaire Bourlin aurait conclu sans problème à un suicide en trouvant une vieille dame les poignets ouverts dans sa baignoire. Dans le doute, il fait appel à Adamsberg et Danglars, comptant sur la perspicacité de l'un et la culture de l'autre pour déchiffrer ce qui ressemble à un hiéroglyphe. Et ce premier suicidé va mener les flics vers un second, chez lequel se découvre le même hiéroglyphe. Adamsberg ne va pas tarder à mettre au jour une incroyable histoire de voyage tragique en Islande qui aurait vu la disparition de deux touristes dans les glaces, et aurait lié les survivants par un pacte de silence. Mais quand un troisième meurtre est commis, encore déguisé en suicide, et encore accompagné du même petit signe cabalistique, l'enquête prend une toute autre tournure et s'oriente vers une association qui rejoue, semaine après semaine, les grandes scènes de l'Assemblée nationale pendant la Révolution, autour de la figure emblématique et inquiétante de Robespierre.
Vargas a ceci de génial que l'on s'attache tellement à ses personnages que l'on se moque peu ou prou de la résolution de l'enquête, qui s'avère particulièrement complexe dans ce roman-ci, tout comme se complexifient les relations entre les membres de la brigade d'Adamsberg. Le plus intéressant dans cette histoire, c'est le contexte : de l'histoire, de la géographie, des contes et légendes, de la psychologie de groupe, un doigt de fantastique, et beaucoup d'humanité. Car ce qui prime, ici, ce sont les gens, leurs relations, leurs angoisses, leurs fantasmes. Vargas a un don pour les dialogues qui claquent, pour les métaphores poétiques, et pour mettre le doigt sur tout ce que la vie peut avoir d'irrationnel. Et même quand l'enquête s'enlise complètement, le lecteur ne s'ennuie jamais, attaché fermement par une multitude de petits liens à cette bande de flics un peu foutraques.
Un excellent cru.
Flammarion, 2015. - 345 p. (epub)