Le masque et la plume... en live
Comme chacun sait (ou devrait savoir), Le masque et la plume est une émission culturelle, qui a lieu tous les dimanche soir à 20h sur France Inter et qui traîte alternativement de littérature, de théâtre et de cinéma. C'est une émission que j'écoute régulièrement, mais pas systématiquement ; parfois, quand les critiques du masque parlent de livres, ils m'agacent et après je les boude pendant des semaines. Mais il y a une dizaine de jours je me suis tellement régalée à les écouter parler de cinéma, que j'ai aussitôt noté dans mon agenda la date du prochain enregistrement.
Voilà comment je me suis retrouvée hier soir devant la Maison de Radio France, avec une certaine émotion, parce qu'en près de trente ans de vie parisienne, c'était la première fois que j'entrais dans cette vénérable demeure. Et il m'a fallu patienter plus d'une heure dans la fraîcheur vespérale parisienne avant d'être autorisée à pénétrer dans le Studio Sacha Guitry, un studio en forme d'amphithéâtre, plus petit que je ne l'avais imaginé. Mon attente n'avait pas été vaine, puisque je me suis retrouvée au premier rang, à quelques mètres, donc de Jérôme Garcin (que je vénère).
Au programme de l'enregistrement de ce soir, deux émissions, l'une consacrée au théâtre (diffusion le 11 novembre), l'autre au cinéma (diffusion le 4 novembre). Après les derniers ajustements techniques, de lumière notamment, les critiques arrivent et s'installent.
A 20h précises, la célèbre musique du générique démarre et Jérôme Garcin (surprise !) annonce le titre au micro : "Le masque... et la plume !", tout en faisant les gros yeux à Vincent Josse (France Inter) qui arrive (presque) en retard. C'est amusant de mettre un visage sur une voix, on a souvent des surprises. Ce fut le cas pour moi, avec Vincent Josse, qui n'a pas le visage de sa voix, avec son allure d'adolescent. C'est lui qui entame le bal avec une critique très sévère de Que faire de Mr Sloane ? de Joe Orton (Comédie des Champs Elyzées), ce qui provoque les hurlements d'Armelle Héliot (Figaro). Quant aux deux duettistes, Jacques Nerson (Valeurs actuelles) et Gilles Costaz (Politis), ils ne sont jamais d'accord : quand l'un adore, l'autre déteste. Ainsi, Le retour de Harold Pinter (Odéon) est considéré par l'un comme le meilleur spectacle de la saison et par l'autre comme le pire (Je vais voir cette pièce ce soir, je vous dirai ce qu'en j'en pense !). Et c'est comme ça pendant toute l'émission, il est donc parfois bien difficile de se faire une opinion, surtout que leurs critiques ne sont pas toujours bien argumentées. Mais au moins il y a de l'ambiance, et des rires dans le public (parfois des hurlements, aussi). Au bout de dix minutes, Jérôme Garcin enlève sa veste, remonte ses manches, ouvre son col et commence à avoir les joues bien rouges. C'est un spectacle à lui tout seul : il faut le voir écarquiller les yeux, ouvrir la bouche, pouffer de rire derrière son poing, en fonction de ce qui se dit autour de lui, tout en gardant la maîtrise de son émission (et un oeil sur la pendule du studio). Tout ça ne l'empêchant nullement de pétiller d'humour, d'esprit et d'ironie (je le vénère, je l'ai déjà dit ?)
Au final, qu'ai-je retenu de cette émission ? Que Pierre Arditi est un excellent acteur qui joue dans une mauvaise pièce (Comme s'il en pleuvait, Edouard VII), que La Rose tatouée (Atelier) n'est pas la meilleure pièce de Tennessee Williams (tant pis, j'ai déjà mon billet...), que l'on peut faire l'impasse sur Les derniers jours de Stefan Zweig (Antoine), mais pas sur La compagnie des spectres (Gaîté Montparnasse).
20h55 : musique de générique, les critiques se lèvent et sont remplacés par leur collègues cinéphiles. Tout ce beau monde a à peine le temps de se saluer et d'échanger quelques mots que la musique de générique est lancée. Et on a droit, à nouveau, à l'annonce en direct : "Le masque... et la plume !" (je ne m'en lasse pas !) Je reconnais tout de suite Jean-Marc Lalanne (Les Inrocks), que je n'ai jamais vu mais qui a tout à fait, lui, le visage de sa voix, contrairement à Pierre Murat (Télérama) que j'imaginais svelte et grave alors qu'il est rondoulliard et jovial, ou à Michel Ciment, plus âgé que sa voix ne le laisserait penser. L'ambiance est totalement différente, cette fois-ci. Certes on n'est pas toujours d'accord (sauf pour dire que Un plan parfait, avec Dany Boom est un parfait navet), mais on débat, on discute, on dissèque, on reste poli. On sent une vrai complicité entre ces cinq-là et c'est beaucoup plus intéressant. Je comprends, maintenant, pourquoi les émissions dédiées au cinéma passent toujours mieux à l'antenne. Et j'ai un scoop pour vous : Jérôme Garcin est totalement amoureux de Sophie Avon (Sud Ouest) dont il boit les paroles avec des yeux langoureux, et il est totalement effondré quand elle déclare : "Il est vieux, James Bond, il a cinquante ans !" En même temps, je lui pardonne : la demoiselle est non seulement ravissante, mais a toujours des propos extrèmement pertinents, même quand elle n'a pas aimé un film. En tout cas, malgré leurs avis pour le moins partagés, ils ont réussi à me donner envie de voir Amour de Haneke, que je m'étais poutant bien promis d'éviter. Pour le reste, il vous suffit d'écouter l'émission dimanche soir.
Bilan : j'ai passé une excellente soirée, et je vous conseille vivement de tenter l'expérience, si vous passez par Paris.
Prochain enregistrement : le 15 novembre avec deux émissions à nouveau, l'une consacrée à la littérature, l'autre au cinéma, et avec des critiques différents, donc je vais à nouveau noter ça dans mon agenda.