Autour du monde - Laurent Mauvignier
Rentrée littéraire 2014
Guillermo, jeune mexicain voyageur, est au Japon depuis quelques semaines. Il rencontre Yûko à Tokyo et ensemble ils partent pour le Nord du pays et le bord de la mer. Alors qu'ils sont en train de faire l'amour, la terre commence à trembler. Nous sommes le 10 mars 2011 et un séisme de grande amplitude vient de frapper le Japon, provoquant un tsunami qui va dévaster le pays. Pendant que Guillermo et Yûko sont emportés par la vague géante, la nouvelle fait le tour de monde et occupe tout l'espace médiatique d'un bout à l'autre de la planète.
"Car bientôt ce sera l'attente, la peur, et le nom de Fukushima résonnera aux oreilles du monde entier comme celui d'un cauchemar éveillé. La vague, elle, continuera sa route avec indifférence. Dans un an, le tsunami continuera de frapper - presque sans force, presque exténué - de l'autre côté de la planète. Pourtant, il aura encore assez de puissance pour se jeter contre les icebergs de la mer du Nord. Il aura parcouru la Terre comme pour rappeler que tous les objets du monde sont reliés entre eux d'une manière ou d'une autre et qu'ils se touchent les uns les autres."
Et, en effet, au même moment un bateau de croisière transporte les gagnants d'un concours en mer du Nord, de jeunes étudiants se baignent aux Bahamas, une jeune femme atterrit à Tel-Aviv, deux jeunes hommes se retrouvent à Moscou. L'auteur nous entraîne ainsi dans un tour du monde à travers une multitude de personnages qui ont en commun, tous, d'être en voyage loin de chez eux, et de voir les images du tsunami sur leur télé.
J'ai été totalement subjuguée par ce roman, et ce n'était pas gagné car ça fonctionne un peu comme un recueil de nouvelles (qui n'est pas mon genre littéraire favori): de courtes histoires, toutes sortes de lieux, des personnages que l'on quitte très vite. Pourtant je l'ai vraiment lu comme un roman, tant le glissement d'une histoire à l'autre est subtil, tant toutes ces histoires se tiennent par le même fil rouge. C'est l'histoire de rencontres entre des gens qui se croisent par hasard ou pas, pour partager un moment/une aventure intense/éphémère qui les marquera pour toujours.
Ce qui m'a semblé remarquable dans ce roman, c'est non seulement qu'il est écrit d'une plume sublime, mais qu'il parvient à recréer le monde, évoquant toutes ses beautés naturelles (des dauphins, des lions, un lever de soleil) ou citadines (Rome, Moscou, Paris) et toutes ses horreurs (terrorisme, immigration, piratage, racisme, violence). Il évoque des gens de tous horizons, de tous les pays, de tous les âges et dessine l'humanité dans toute sa complexité : amitié, amour, désir, jalousie, infidélité, cupidité, arrogance, frayeur, folie, rancune, espoir, mémoire, générosité, … tout en nous renvoyant à la solitude existentielle de l'être humain.
"Il imagine les montagne de sacs postaux et il pense à tous ces mots, par millions, qui s'écrivent, se lisent, se froissent, s'oublient, s'ignorent, et à tous ces gens qui se frôlent et ne se rencontreront jamais."
Un roman totalement ébouriffant, un concentré d'émotions qui m'a laissée bouche bée d'admiration.
Elles m'ont donné envie : Cuné, Cathulu, Clara
Editions de Minuit, 2014. - 372 p.