Patagonie, route 203 - Eduardo Fernando Varela

Publié le par Papillon

 "Ici personne ne trouve jamais ce qu'il cherche. C'est le pays de l'inattendu."
 
Pour moi, le mot Patagonie est associé à l'image de paysages grandioses et sauvages : pics enneigés, lacs aux eaux turquoise et glaciers infinis, peuplés de manchots et de lamas... Rien de tout ça chez Eduardo Fernando Varela, qui nous présente plutôt l'envers du décor : immensité, certes, mais aussi solitude, monotonie et désolation.
 
La route 203 qui traverse la Patagonie est le lieu de travail de Parker qui l'arpente d'un bout de l'année à l'autre, au volant de son camion. Il transporte des fruits exotiques qui seront chargés sur ces porte-containers qui traversent l'Atlantique. Mais sa cargaison n'est pas tout à fait légale et son patron est un escroc, qui oublie régulièrement de lui verser son salaire, et l'oblige à rester sur les routes secondaires pour éviter les contrôles de police. Parker voyage  en solitaire, avec pour seule compagnie un saxophone désaccordé. Son domaine, ce sont les vastes étendues qui s'étendent entre la cordillère des Andes à l'ouest et l'Atlantique à l'est : des milliers de kilomètres, "cet étrange animal allongé sur la terre qu'était la Patagonie", un paysage qui semble monotone et uniforme, sauf si l'on sait être attentif aux détails, comme Parker : odeurs, bruits, lumières, couleurs, reliefs, traces animales. Son univers, c'est la route et rien que la route, et la géographie semble s'accorder à merveille à son âme endolorie : Jardin Épineux, Bourbier à Crabes, Vallée Fanée, Eau Sale, Plaine des Morts, Montagne Trouble, Saline du Désespoir...
 
"Prenez la nationale tout droit, après-demain tournez à gauche, lundi vous tournerez à droite et vous continuez jusqu'à l'Atlantique. C'est le seul océan, vous ne pouvez pas vous perdre."
 
Chez Varela, on est très loin du réalisme, mais dans le domaine de l'absurde et du cocasse, notamment dans les dialogues avec les rares habitants, tous un peu loufoques, que Parker croise sur sa route, comme cet ami journaliste avec lequel il a des rendez-vous réguliers quoique totalement improbables ; un journaliste (dont la voiture a oublié d'avoir des freins) qui cherche un sous-marin allemand de la seconde guerre mondiale, qui aurait permis à des nazis de débarquer en Argentine. L'univers de Varela est celui de la tragi-comédie, le drame y tourne à la farce, et le rire n'est jamais loin des larmes. On y croise de vieilles légendes qui n'effraient plus personne, et n'importe quoi est susceptible de s'y produire. 
 
"On ne pouvait être sûr de rien dans ce désert où les certitudes tenaient de ces nuages qui arrivaient subitement en annonçant la pluie et l'instant d'après se décomposaient en volutes derrière une colline."
 
L'inattendu pour Parker, ce sera une panne de moteur l'obligeant à faire une halte imprévue. En attendant un très aléatoire dépannage, occasion d'un épisode drolatique, le voici forcé de tuer le temps, en faisant un tour dans une fête foraine aussi déglinguée que tout le reste, et son cœur s'y enflammera pour la très belle Mayten, femme d'un forain violent qui rêve justement d'une autre vie. Parker parviendra-t-il à la conquérir ? Et la vie amoureuse est-elle bien compatible avec la vie sur la route ?
 
Ce personnage décalé et désabusé, qui a largué les amarres pour une vie routinière et solitaire, à la fois statique et pris dans un mouvement perpétuel, n'est pas sans charme, et j'ai trouvé que l'auteur rendait aussi bien la vastitude de ces paysages désertiques, dans lesquels il immerge complétement son lecteur, que la mélancolie inhérente à ces lieux dépeuplés. Mais cette épopée sans commencement ni fin tourne quand même un peu en rond, et j'ai fini par m'y ennuyer. 
 
"Il imagina tous les levers du soleil qui l'attendaient sur la route, ceux qui avaient lieu, loin de lui, entre les vagues de l'océan, les cimes de la cordillère, et sentit qu'ils lui étaient destinés, comme un évènement cosmique en son honneur, une offrande déployée devant ses yeux."
 
Titre original : La marca del viento.
Traduit de l'espagnol (Argentine) par François Gaudry.
Métailié, 2020. - 358 p.
 
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D
Je n'ai pour ma part pas réussi à entrer dedans. J'ai pensé que c'était le moment qui n'était pas le bon, mais ce n'était peut-être pas que ça, du coup.
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P
Je peux comprendre, vu l'atmosphère complètement baroque, moi je me suis lassée à mi-parcours environ...
N
J'hésite depuis sa sortie, ma libraire l'a présenté avec beaucoup d'enthousiasme, j'ai lu des articles qui m'ont donné envie mais j'ai un peu peur que ce ne soit pas tout à fait pour moi. A voir...
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P
Il faut aimer<br /> 1) les road trips<br /> 2) les trucs un peu déjantés...<br /> A tester en bibliothèque ?
K
Mon mari est en train de le lire, j'avais pensé que ça lui plairait, on verra... ;-)
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P
Tu me raconteras ce qu'il en a pensé :-)
K
Aie, j'étais curieuse de ton avis, ça démarrait bien, et plouf, ça parle d'ennui... Si en plus Aifelle s'y met;..
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P
Encore un bouquin pour toi, mais je crois qu'il y a 50 pages de trop. A toi de voir....
A
Je suis en pleine lecture et je commence à tourner en rond moi aussi !
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P
Tu me rassures, je n'ai vu que des articles élogieux sur ce livre et je me demandais si c'était moi qui avais un problème :-)