L'île des chasseurs d'oiseaux - Peter May
"Le monde, Marsali, c'est comme le temps. On ne le change pas. Et on ne le façonne pas. C'est lui qui nous façonne."
Après quelques gros pavés très littéraires, et entre une tranche de foie gras et un verre de champagne, j'ai eu envie de quelque chose de noir et de serré : j'ai sorti un polar de ma PAL, un polar écossais qui m'a emportée dans la sauvagerie glacée des îles Hébrides.
Flic à Édimbourg, Fin Macleod se remet difficilement de la mort brutale de son petit garçon. Pour le remettre en selle, son patron l'envoie sur l'île de Lewis dont il est originaire, et où vient d'être commis un meurtre atroce qui a la particularité de ressembler à une affaire sur laquelle Fin a enquêté à Édimbourg : un homme a été retrouvé pendu et éventré dans un hangar à bateaux. Cet homme, Fin le connaissait bien, il était un peu le salaud du coin que tout le monde avait une bonne raison de détester.
C'est peu de dire que j'ai été déçue par ce polar qui n'en est pas un. Je voulais du noir et du sanglant, une enquête, des indices et une chasse au meurtrier. Rien de tout ça ici. Certes cela commence avec un meurtre particulièrement cruel, mais d'enquête il n'y en a guère. Car cette affaire est surtout un prétexte pour Fin à revenir sur les pas de son enfance et de sa jeunesse, et de revoir toutes les figures de son passé : amis et amours. La narration alterne ainsi des chapitres à la première personne où le flic revisite le passé et nous raconte les épisodes marquants de son histoire, et des chapitres à la troisième personne où ce même flic retrouve les lieux et les gens, tout en essayant de faire la lumière sur les faits.
On découvre à travers son récit une île sauvage où la population a longtemps vécu sous le joug pesant de la religion et de la tradition, où l'on parle encore le gaélique, où il ne semble y avoir ni gaité ni avenir. On se rend compte peu à peu que le crime d'aujourd'hui prend racine dans de vieilles rancunes d'hier, et Fin mettra assez facilement la main sur l'assassin (merci l'ADN). Je n'ai pas du tout aimé les retours en arrière, qui accumulent les clichés paupérisants. On peut difficilement se confronter à plus de malheurs dans une vie que Fin n'en a connus dans la sienne. Rien ne lui a été épargné. Quant à son amour de jeunesse, je l'ai trouvé particulièrement fade et sans consistance. Sans parler de cette coutume totalement archaïque du massacre rituel des gugas (les petits des fous de Bassan), qui doit faire un homme de chaque garçon du village. Restent les beaux paysages et la vie rude des Hébrides où le temps semble s'être figé, mais cela ne m'a pas suffi. Mauvaise pioche.
The Blackhouse, traduit de l'anglais (Ecosse) par Jean-René Dastugue.
Babel noir, 2011. - 428 p.