New York odyssée - Kristopher Jansma

Publié le par Papillon

"Et s'il y avait Quelque Chose là-haut qui était au courant de tout cela, eh bien qu'Il aille se faire foutre, que Ses plans aillent se faire foutre, que ce qui était écrit aille se faire foutre."
 

Quand on aime New York, il est bien difficile de résister à une si jolie couverture dont la typographie évoque celle du célèbre New Yorker. L'histoire aussi ressemble à quelque chose que l'on croit avoir déjà lu mille fois, avant de prendre un surprenant virage.

Ils sont quatre amis, deux garçons, deux filles, qui se sont connus à l'université et sont devenus inséparables. Ils ont tous décidé d'aller vivre à New York parce que, quand on est jeune et ambitieux, c'est à New York que tout se passe : la modernité, l'énergie, la rapidité et le glamour. Chacun d'entre eux est convaincu d'être très spécial : Irene la plasticienne, Jacob le poète,  George l'astronome et Sara la journaliste-super-organisée. A ces quatre-là va bientôt venir se joindre un cinquième qui sort de la même université sans vraiment faire partie de la bande : William, le trader vaguement honteux (et bientôt viré : nous sommes en 2008, à l'aube de la crise), et vaguement amoureux d'Irène. Et quand tous les cinq cette année-là fêtent Noël sur la terrasse du Waldorf Astoria, ils sont convaincus de tenir le monde dans le creux de la main. Mais rien ne va se passer comme prévu, parce que "personne n'est à l'abri d'une tragédie".
 
"Parfois, il avait l'impression d'avoir passé vingt ans de sa vie à s'efforcer de n'avoir pas grand-chose en commun avec tous les autres."
 
Difficile d'en dire plus sur ce gros roman à la fois sombre et lumineux, sans dévoiler ce qui fait le coeur de l'histoire. Sachez seulement que court en double fond une référence constante à l'oeuvre d'Homère, envisagée comme une réflexion sur "le paradoxe de la divinité et de la fatalité". Comme dans l'Illiade il y aura une guerre, et comme dans l'Odyssée il y aura un lent et douloureux retour vers soi. Cette odyssée new-yorkaise est un peu le récit du désenchantement, quand on entre dans la vraie vie et dans le monde du travail, et que l'on réalise qu'il va falloir légèrement raboter ses illusions pour les ajuster au cadre du réel. On n'en reste pas moins gai, et digne, mais un peu moins léger. Et on accepte d'être singulier sans être exceptionnel. Ce roman, qui délivre une envoutante petite musique désabusée, est aussi une très belle déclaration d'amour à la ville de New York, cette ville que l'on adore détester, et dont l'auteur nous fait arpenter tous les boroughs ; New York et ses taxis jaunes, ses immeubles qui touchent le ciel, ses loyers hors de prix et son inépuisable énergie. Et c'est aussi, bien sûr, un hymne à l'amitié, infaillible et indéfectible, qui permet de survivre à tout, ou presque.
 
"Nous étions tombés dans la routine avec une facilité et une indifférence déconcertantes, suivant un chemin tout tracé, de la porte de l'appartement à l'ascenseur du bureau, avec un détour à mi-parcours par la même boulangerie où la même équipe nous servait le même pain au chocolat et le même café, tous les jours."
 
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Sophie Troff.
Éditions Rue Fromentin, 2017. 456 p.
 
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L
Quelle belle chronique ! Tu parviens à me donner goût à un récit qui ne m'aurait pas attirée spontanément. Et je m'associe à l'avis de tous : la couverture est sacrément attrayante aussi !
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P
Un très beau roman qui fut une belle surprise.
D
Comme toi, je suis séduite par cette couv. Mais j'hésitais un peu. Peur de me faire avoir par un joli visuel (et un judicieux choix de typo)... Et par la pagination aussi. Il me semble que c'est un pavé. Cependant ton billet m'incite à lui faire une place... ce qui ne va guère être facile !
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P
C'est un gros biuquin mais qui se lit très bien :-)
J
Si ce n'était pas un pavé je me serais déjà laissé tenter...
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P
Moins de 600 pages, c'est pas un vrai pavé, d'abord !
L
Nos amis américains ont incidemment bien du talent pour dépeindre l'envers du décor qui continue à fasciner la vieille Europe
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P
Dans ce roman, ce qui est bien c'est que l'on voit les deux faces.
A
Je ne l'avais pas particulièrement remarqué, mais me voilà tentée. C'est le genre d'histoire que je lisais beaucoup dans ma jeunesse.
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P
Moi je résiste rarement aux romans new-yorkais, même si j'en ai déjà lu pas mal ;-)
A
Diablement tentant, ne serait-ce que ton premier extrait. Je n'ai jamais été trop fan des histoires de jeunes universitaires ou entrant dans le monde du travail, mais comme ça fait longtemps que je n'ai pas lu ce genre de livre, pourquoi pas ? En plus la référence à l'Odyssée est très intrigante, et le fait que tu ne puisses en dire plus non plus. Je vais aller voir ça de plus près.
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P
C'est plutôt l'histoire de cinq jeunes gens qui découvrent la vraie vie...
K
Très très tentant, et pas seulement pour la couverture ! )
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P
Toi qui aime New York tu devrais aimer !