Nos âmes la nuit - Kent Haruf
Rentrée littéraire 2016
"C'est l'éternelle histoire de deux êtres qui avancent à l'aveuglette et se cognent sans arrêt l'un contre l'autre en cherchant à se conformer à de vieilles idées, de vieux rêves et à des notions erronées."
Une petite ville du Colorado. Addie Moore, pétillante grand-mère de soixante-quinze ans, effectue une démarche des plus singulières auprès de son voisin Louis Waters. Elle lui propose de venir dormir avec elle de temps en temps, pour rompre la solitude. Ils sont veufs tous deux depuis quelques années, se connaissent depuis longtemps sans être pourtant amis. Louis, interloqué par cette proposition insolite, demande à réfléchir, puis accepte de faire un essai. Il débarque un soir avec son pyjama et sa brosse à dents chez sa voisine. Une conversation s'installe, faite de souvenirs et de confidences, de taquineries aussi, le tout sans tabou et avec beaucoup de bienveillance des deux côtés. Chacun évoque son mariage, ses enfants, son métier, les rêves de jeunesse jamais réalisés. Très vite, ces rendez-vous nocturnes leur deviennent indispensables, tissés de complicité et de sentiments très tendres. Mais dans la petite ville de Holt où tout le monde se connait et s'observe, on va très vite jaser sur ces deux vieux qui couchent ensemble, allant jusqu'à alerter leurs enfants qui ne vont pas tarder à vouloir mettre bon ordre à cette scandaleuse situation.
Évidemment il faut adhérer au postulat de départ, quelque peu surréaliste quand même, de ce charmant roman. Si on adhère, on entre dans une histoire toute de douceur et de délicatesse qui parle d'amour, tout en étant traversée par la mort, par le temps qui passe, par tous ces espoirs que l'on a à vingt ans, et par ce que l'on a finalement réussi à obtenir quand on jette un coup d'œil dans le rétroviseur, cinquante ans plus tard. Addie et Louis sont à l'heure des bilans et des regrets, mais n'ont aucune amertume. C'est le temps de la sérénité, chèrement acquise, et le temps de l'amour sage, qui est celui de l'automne de la vie. Il n'est plus question de passion, ni de sexe, mais plus simplement du plaisir d'être ensemble et de savourer chaque moment qui passe, et tous les petits bonheurs de la vie, coucher de soleil ou rire d 'enfant, à cet âge où de tels moments se font d'autant plus précieux que l'on mesure à quel point le temps qui reste nous file entre les doigts.
Un roman très doux, mais bien mélancolique qui exprime l'idée qu'il n'est jamais trop tard pour avoir le cœur qui bat, mais montre aussi combien on est soumis à la pression sociale jusqu'à la fin de sa vie, qu'il faut toujours se conformer à une certaine idée de la bienséance, et que ceux qui nous devraient nous aimer le plus seront ceux qui nous planteront le plus sûrement un couteau dans le dos.
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Anouk Neuhoff.
Robert Laffont, 2016. - 168 p.
Et pour le challenge 50 états en 50 romans, ce livre illustre le Colorado.