Janvier à Paris (2)

Publié le par Papillon

Il n’aura échappé à personne que janvier à Paris ne fut pas des plus gais… Mais comme disait le poète : « Le vent se lève !… Il faut tenter de vivre ! » (Paul Valéry, Le cimetière marin), et donc de continuer à faire ce que l’on aime, qui nous fait vibrer et nous maintient debout. Et en janvier, j’ai eu des envies intenses de théâtre :

 

Novecento pianiste, au Théâtre du Rond-Point : l’adaptation du roman éponyme d’Alessandro Baricco (que je n’ai pas lu), histoire d’un jeune homme né sur un transatlantique, qui n’en sortira jamais et y deviendra un fabuleux pianiste. André Dussolier (que j’aime d’amour) seul comédien en scène nous raconte cette histoire irréelle avec passion, fougue et vitalité, accompagné d’un petit orchestre de jazz qui fait swinguer la scène. Beaucoup aimé.

 

 

La réunification des deux Corée de Joël Pommerat, au Théâtre de l’Odéon. Comme son nom de l’indique pas, cette pièce est une suite de saynètes sur l’amour, ou plutôt le désamour. Dans une scénographie originale (deux tribunes de spectateurs se font face, délimitant un espace scénique en forme de long couloir), l’auteur imagine des histoires de couples totalement décalées : deux femmes qui ne s’aiment plus mais ne parviennent pas à se quitter, une femme atteinte d’Alzheimer qui demande à son mari de lui raconter inlassablement leur histoire, un mariage qui se transforme en règlement de compte familial, une amitié qui explose en plein vol, et cet homme qui hurle « Mais ça n’existe pas l’amour ! ». On balance entre rire et larmes. J'ai aimé le côté un peu absurde de toutes ces histoires, mais ce qui m’a gênée, c’est que le texte m’a paru bien « pauvre », sur le mode : « non, mais putain, mais c'est pas vrai, non, mais j’y crois pas… » etc.

 

 

C’est Noël tant pis, de Pierre Notte, au Théâtre du Rond-Point. Une famille un peu désaccordée se retrouve pour le réveillon, mais dès le départ, tout foire : le père a oublié de faire cuire la dinde, le fils s’est trompé de dessert et la belle-fille a oublié d’apporter l’entrée. Pour couronner le tout, la grand-mère a disparu. On la retrouve mal en point quelques heures plus tard, et toute la famille finit la soirée à l’hôpital pour un grand règlement de compte. Un texte poétique et drôle, mais une crise familiale qui m’a semblé trop exacerbée. Je me suis donc un peu ennuyée sur la fin.

 

 

La Nuit des rois de Shakespeare au Théâtre des Quartiers d’Ivry dans une mise en scène de Clément Poirée. Une de mes pièces préférées de Shakespeare, que je connais quasiment par cœur et dont je ne me lasse pas. Le décor représente vaguement un asile de fous, ce qui est bien vu puisque tout le monde est un peu foldingue dans cette histoire : le Duc Orsino se languit d’amour pour une femme qui refuse de le voir, Olivia se cloître chez elle depuis la mort de son frère, l’oncle Tobie se noie dans l’alcool et l’intendant Malvolio est ivre d’orgueil. Le plus sage, c’est le fou : Feste, le bouffon. Arrive dans cette petite société Viola qu’un naufrage a rejetée sur cette côte d’Illyrie et qui va faire tomber le masque de la folie en se travestissant en homme. Une mise en scène moderne, pétillante, enlevée, bourrée de clins d’œil aux spectateurs. J’ai hurlé de rire pendant deux heures ou presque. Du Shakespeare comme j'aime.

 

 

Mais la pièce qui m’a totalement fracassée ces dernières semaines et qu’il faut absolument voir, c’est Répétition de Pascal Rambert (Théâtre de Gennevilliers ). Quatre comédiens sur scène jouent quatre comédiens en répétition. Ils forment deux couples qui se connaissent depuis vingt ans et ont créé par amour du théâtre ce qu’ils appellent la « structure ». Un regard surpris par Audrey (Bonnet) entre son mec, Denis (Podalydès), et Emmanuelle (Béart), la femme de Stan (Nordey), va tout faire exploser, les couples, la structure, la mémoire. Un texte magnifique qui s’articule en quatre monologues et contient le monde, un texte qui parle d’amour, d’amitié et de désir, du temps qui passe et de notre place dans l’histoire, de la fin des illusions et de la mort des utopies, un texte qui fait l’éloge de la jouissance et l’éloge de la fiction, un texte qui nous incite à la révolte contre le renoncement. Un texte en forme d’uppercut, dans une scénographie minimaliste, quatre comédiens d'une justesse absolue : un grand moment de théâtre.

 

[Cette pièce est actuellement en tournée (toutes les dates). Elle revient en novembre à Paris où elle sera jouée au Théâtre de Chaillot. Comble de bonheur, le Théâtre des Bouffes du Nord présente au mois de juin un festival « Pascal Rambert à nu » où l’on pourra voir ou revoir les cinq premières pièces de l’auteur.]

 

Avec cette pièce, j'ai mesuré à quel point, même si j'adore l'émotion brute et instantanée que délivre le théâtre, je reste une incorrigible amoureuse du texte. Quand on entend un texte aussi fort que celui-là, on n'a qu'une envie: y revenir, encore et encore...

 

(à suivre…)

 

 

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A
Je ne suis pas sur le passage de "répétitions" c'est dommage. Tu ne fais pas les choses à moitié quand tu t'y mets ! J'aime beaucoup Dussollier aussi.
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P
Dommage pour Répétition, mais si tu viens à Paris en novembre...c'est vrai que je suis allée beaucoup au théâtre, mais il y avait beaucoup de choses qui me tentaient alors U'au cinéma, à l'inverse, il n'y avait pas grand chose d'intéressant.